État des lieux sur ce sujet et analyse des obstacles qui empêchent les vins élaborés au Canada d'être vendus dans la plupart des provinces autres que celle d'où ils originent.
Le tableau ci-dessous du site internet freemygrapes.ca indique que seules les provinces de la Colombie-Britannique et du Manitoba autorisent leurs citoyens de commander du vin pour leur consommation personnelle, directement du producteur, même si ceux-ci se trouvent dans une autre province du Canada.
Note: entre temps, la Nouvelle-Écosse a emboîté le pas (voir ici).
Si, si, chers lecteur et lectrices qui n'habitez pas au Canada, vous avez bien lu. Un producteur de vin (ex: de la vallée du Niagara en Ontario) peut exporter et vendre son vin en Australie, en Espagne, aux États-Unis ou même en Argentine, mais ne peut le faire dans la plupart des provinces de son propre pays (à moins d'avoir l'incroyable chance d'avoir quelques uns de ses produits référencés par l'un des monopoles provinciaux).
Le Canada est un curieux pays où le libre-échange existe avec de nombreux tiers pays, mais où les juridictions provinciales créent des barrières artificielles entre les provinces qui le composent.
Ô Canada!
La constitution du Canada départage ainsi quelles sont les compétences qui relèvent du gouvernement fédéral et lesquelles sont de juridictions provinciales, avec les bons et les moins côtés que cela implique.
Pour avoir un aperçu des conséquences assez loufoques qui en découlent dans divers domaines, lisez ceci, où l'on compare cet écheveau bureaucratique à une grosse poutine plutôt indigeste.
À titre d'exemple
Le tableau ci-dessous fournit l'âge minimum requis pour légalement acheter de l'alcool, pour la plupart des pays du monde, suite à une compilation effectuée par l'AAWE (American Assoctiation of Wine Economists).
Qu'y remarque-t-on? Pour presque tous les pays, on ne mentionne qu'un âge, ce qui est plutôt logique. Tous? Non, car il y a un petit astérisque pour le Canada (dernière colonne à droite), lequel renvoie au bas du tableau. On y apprend que l'âge légal est différent pour trois des dix provinces du Canada! Compétence provinciale oblige.
Note: cet âge varie également en Inde selon les états.
Effort du gouvernement fédéral
En juin 2012, le gouvernement canadien a amendé sa Loi sur l'importation des boissons enivrantes, laquelle datait de 1928, soit du temps de la prohibition (voir ici).
On y permet ce qui suit au paragraphe 3(1):
h) à l'importation de vin d'une province à une autre province par un particulier, si celui‑ci l'apporte ou le fait apporter selon les quantités et les modalités permises par les lois de cette dernière, pour sa consommation personnelle et non pour la revente ou autre usage commercial.
Le but recherché en levant cette restriction fédérale était de favoriser la circulation des biens à l'intérieur du Canada. Des économistes ont calculé que les barrières virtuelles créées par les provinces entre elles coûtaient des milliards de dollars à l'économie canadienne.
Le hic, c'est que la vente du vin (et de l'alcool en général), le transport, la possession et les limites permises lors de l'importation, relèvent des compétences provinciales (la poutine dont je vous parlais ci-dessus).
La plupart des provinces à l'exception des 3 mentionnées au début de cet article n'ont pas (ou peu) bougé suite à la modification de la loi fédérale permettant le transport interprovincial de l'alcool.
Cas du Québec
Jusqu'en juillet 2014, la province de Québec était la seule province à ne pas permettre d'aucune manière à ses citoyens d'apporter dans sa province de l'alcool acheté dans une autre province canadienne (mais des États-Unis, oui!).
Suite à la modification en 2012 de la loi fédérale, le gouvernement québécois, dans sa grande générosité, a donné le droits aux personnes majeures vivant au Québec de rapporter de l'alcool acheté dans une autre province (12 bouteilles de vin de 750 ml, 3 litres de spiritueux et 3 caisses de 24 bouteilles de bière).
Mais, car il a toujours un mais avec l'alcool au Québec, il faut que vous ayez le chercher vous-mêmes! Si vous voulez acheter du vin de bons producteurs de la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique, vous en avez le droit. Mais allez le chercher vous-même et pas plus que 12 bouteilles au total s.v.p.!
A final, la plupart des canadiens achètent des vins importés de l'étranger (France, États-Unis, Chili, etc.) par l'entremise de leurs monopoles provinciaux, plutôt que des vins de leur propre pays, puisque ceux-ci ne sont pas quasiment pas disponibles là où ils habitent. Quand on vous disait que c'est l'économie canadienne dans son ensemble qui est la grande perdante dans tout cela.
Un coup d'épée dans l'eau
En juillet 2016, il y a maintenant 3 ans, lors de la conférence des premiers ministres des provinces du Canada à Whitehorse au Yukon, on a eu droit à une déclaration publique de 3 d'entre eux (voir ici).
Lors d'une sortie médiatique bien orchestrée, Philippe Couillard (province de Québec), Christie Clark (Col.-Britannique) et Kathleen Wynne (Ontario) annonçaient en grandes pompes une entente tripartite devant permettre aux citoyens de ces 3 provinces d'acheter du vin en ligne ''par l'entremise de la société détenant le monopole des boissons alcoolisées sur leur territoire" (Note: ces 3 premiers ministres qui représentaient le parti libéral ne sont plus en poste aujourd'hui).
Suite à cette annonce, plusieurs journaux ont fait paraître mon point de vue (voir ici) et celui des deux autres auteurs avec qui j'ai coécrit l'étude Monopole inc.
Bien qu'il ne s'agissait que d'un timide pas dans la bonne direction (il ne parlait pas de commander du vin directement d'un producteur de vin de l'une de ces 3 provinces, mais plutôt par l'entremise d'un monopole), on n'a plus jamais entendu parler de ce projet. Les fonctionnaires impliqués ont dû j'imagine s'enfarger dans les fleurs du tapis bureaucratique de leur province respective.
Il est où le problème?
Déjà en 2012 selon un sondage de la firme Harris Decima, 82% des Canadiens déclaraient qu'ils aimeraient pouvoir commander en ligne des vins de d'autres provinces du Canada. Malgré cela, 7 ans plus tard, rien n'a changé.
Si plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer cela, il y en deux qui jouent un rôle prépondérant dans le cas qui nous préoccupe:
1) La crainte des gouvernements provinciaux que leur monopole respectif ne perdent des revenus.
En ce qui concerne la crainte des gouvernements provinciaux, celle-ci n'a pas selon moi raison d'être, à moins d'avoir peur d'avoir peur. Après plusieurs années où l'on permet aux habitants de la Colombie-Britannique de commander du vin canadien directement de producteurs d'autres provinces, aucune diminution des revenus gouvernementaux découlant de la vente de vin n'a été enregistrée.
2) Le partage des pouvoirs tel qu'établi par la constitution du Canada;
Modifier la constitution canadienne est un exercice long, difficile, presque impossible. Mais selon le Fraser institute le gouvernement fédéral pourrait ''utiliser son pouvoir constitutionnel de désaveu et imposer le libre-échange du vin, de la bière et des spiritueux entre les provinces. Après tout, annuler les actions protectionnistes des provinces est une chose que les gouvernements fédéraux faisaient régulièrement; c'est quelque chose que le gouvernement fédéral possède toujours le pouvoir constitutionnel de faire. Ottawa devrait peut-être ressusciter cette pratique, à commencer par le libre-échange du vin canadien."
Utiliser cette méthode pourrait cependant entraîner des coûts politiques pour le gouvernement fédéral qui imposerait ainsi sa vision par la force. Cela serait surprenant qu'on l'utilise, mais sait-on jamais.
Mêlons les cartes un peu plus!
Une plainte de l'Australie a été faite auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre le Canada, alléguant que certaines provinces du Canada favorisaient illégalement ses produits locaux aux détriments des produits importés (voir ici).
Une décision à cet effet sera rendue dans les prochains mois. Advenant un gain de l'Australie, il serait intéressant de voir si on évaluera que la possibilité des canadiens de commander directement auprès de producteurs de leurs pays serait aussi considéré comme de la concurrence déloyale.
Il ne resterait alors plus que deux solutions pour assurer un développement assuré pour les vignobles du Canada: que les divers monopoles provinciaux augmentent substantiellement leurs références en vins canadiens, ou que l'on abolisse ces monopoles qui se seraient avérés négligents ou incapables de les promouvoir. À suivre...
On y permet ce qui suit au paragraphe 3(1):
h) à l'importation de vin d'une province à une autre province par un particulier, si celui‑ci l'apporte ou le fait apporter selon les quantités et les modalités permises par les lois de cette dernière, pour sa consommation personnelle et non pour la revente ou autre usage commercial.
Le but recherché en levant cette restriction fédérale était de favoriser la circulation des biens à l'intérieur du Canada. Des économistes ont calculé que les barrières virtuelles créées par les provinces entre elles coûtaient des milliards de dollars à l'économie canadienne.
Le hic, c'est que la vente du vin (et de l'alcool en général), le transport, la possession et les limites permises lors de l'importation, relèvent des compétences provinciales (la poutine dont je vous parlais ci-dessus).
La plupart des provinces à l'exception des 3 mentionnées au début de cet article n'ont pas (ou peu) bougé suite à la modification de la loi fédérale permettant le transport interprovincial de l'alcool.
Cas du Québec
Jusqu'en juillet 2014, la province de Québec était la seule province à ne pas permettre d'aucune manière à ses citoyens d'apporter dans sa province de l'alcool acheté dans une autre province canadienne (mais des États-Unis, oui!).
Suite à la modification en 2012 de la loi fédérale, le gouvernement québécois, dans sa grande générosité, a donné le droits aux personnes majeures vivant au Québec de rapporter de l'alcool acheté dans une autre province (12 bouteilles de vin de 750 ml, 3 litres de spiritueux et 3 caisses de 24 bouteilles de bière).
Mais, car il a toujours un mais avec l'alcool au Québec, il faut que vous ayez le chercher vous-mêmes! Si vous voulez acheter du vin de bons producteurs de la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique, vous en avez le droit. Mais allez le chercher vous-même et pas plus que 12 bouteilles au total s.v.p.!
A final, la plupart des canadiens achètent des vins importés de l'étranger (France, États-Unis, Chili, etc.) par l'entremise de leurs monopoles provinciaux, plutôt que des vins de leur propre pays, puisque ceux-ci ne sont pas quasiment pas disponibles là où ils habitent. Quand on vous disait que c'est l'économie canadienne dans son ensemble qui est la grande perdante dans tout cela.
Un coup d'épée dans l'eau
En juillet 2016, il y a maintenant 3 ans, lors de la conférence des premiers ministres des provinces du Canada à Whitehorse au Yukon, on a eu droit à une déclaration publique de 3 d'entre eux (voir ici).
Lors d'une sortie médiatique bien orchestrée, Philippe Couillard (province de Québec), Christie Clark (Col.-Britannique) et Kathleen Wynne (Ontario) annonçaient en grandes pompes une entente tripartite devant permettre aux citoyens de ces 3 provinces d'acheter du vin en ligne ''par l'entremise de la société détenant le monopole des boissons alcoolisées sur leur territoire" (Note: ces 3 premiers ministres qui représentaient le parti libéral ne sont plus en poste aujourd'hui).
Suite à cette annonce, plusieurs journaux ont fait paraître mon point de vue (voir ici) et celui des deux autres auteurs avec qui j'ai coécrit l'étude Monopole inc.
Bien qu'il ne s'agissait que d'un timide pas dans la bonne direction (il ne parlait pas de commander du vin directement d'un producteur de vin de l'une de ces 3 provinces, mais plutôt par l'entremise d'un monopole), on n'a plus jamais entendu parler de ce projet. Les fonctionnaires impliqués ont dû j'imagine s'enfarger dans les fleurs du tapis bureaucratique de leur province respective.
Il est où le problème?
Déjà en 2012 selon un sondage de la firme Harris Decima, 82% des Canadiens déclaraient qu'ils aimeraient pouvoir commander en ligne des vins de d'autres provinces du Canada. Malgré cela, 7 ans plus tard, rien n'a changé.
Si plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer cela, il y en deux qui jouent un rôle prépondérant dans le cas qui nous préoccupe:
1) La crainte des gouvernements provinciaux que leur monopole respectif ne perdent des revenus.
En ce qui concerne la crainte des gouvernements provinciaux, celle-ci n'a pas selon moi raison d'être, à moins d'avoir peur d'avoir peur. Après plusieurs années où l'on permet aux habitants de la Colombie-Britannique de commander du vin canadien directement de producteurs d'autres provinces, aucune diminution des revenus gouvernementaux découlant de la vente de vin n'a été enregistrée.
2) Le partage des pouvoirs tel qu'établi par la constitution du Canada;
Modifier la constitution canadienne est un exercice long, difficile, presque impossible. Mais selon le Fraser institute le gouvernement fédéral pourrait ''utiliser son pouvoir constitutionnel de désaveu et imposer le libre-échange du vin, de la bière et des spiritueux entre les provinces. Après tout, annuler les actions protectionnistes des provinces est une chose que les gouvernements fédéraux faisaient régulièrement; c'est quelque chose que le gouvernement fédéral possède toujours le pouvoir constitutionnel de faire. Ottawa devrait peut-être ressusciter cette pratique, à commencer par le libre-échange du vin canadien."
Utiliser cette méthode pourrait cependant entraîner des coûts politiques pour le gouvernement fédéral qui imposerait ainsi sa vision par la force. Cela serait surprenant qu'on l'utilise, mais sait-on jamais.
Mêlons les cartes un peu plus!
Une plainte de l'Australie a été faite auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre le Canada, alléguant que certaines provinces du Canada favorisaient illégalement ses produits locaux aux détriments des produits importés (voir ici).
Une décision à cet effet sera rendue dans les prochains mois. Advenant un gain de l'Australie, il serait intéressant de voir si on évaluera que la possibilité des canadiens de commander directement auprès de producteurs de leurs pays serait aussi considéré comme de la concurrence déloyale.
Il ne resterait alors plus que deux solutions pour assurer un développement assuré pour les vignobles du Canada: que les divers monopoles provinciaux augmentent substantiellement leurs références en vins canadiens, ou que l'on abolisse ces monopoles qui se seraient avérés négligents ou incapables de les promouvoir. À suivre...
Aucun commentaire:
Publier un commentaire