Une introduction aux vins du Roussillon

Plusieurs ont déjà entendu le nom de cette région viticole française, mais c'est à peu près tout.

On ne peut guère les blâmer, car les magazines, revues et les détaillants ont très souvent tendance à regrouper le Languedoc avec le Roussillon, prétextant que ces deux régions du sud de la France se côtoient.

C'est peut-être le cas, mais cela ne veut pas dire qu'elles soient semblables pour autant. Mes lecteurs du Québec comprendront que la région du Saguenay n'est pas identique à celle du Lac Saint-Jean, et que la province de l'Ontario est bien différente de celle du Québec. Pourtant, elles sont adjacentes!

Ainsi en va-t-il du Roussillon et du Languedoc.

Un salon à Montréal

Afin de se faire davantage connaître, le Conseil Interprofessionnel des Vins du Roussillon (CIVR) a eu la bonne idée de tenir un salon à cet effet, le 29 avril dernier à Montréal.

Une vingtaine de producteurs étaient présents pour faire déguster plus d'une centaine de vins, même si beaucoup ne sont pas encore disponibles au Québec.

Je remercie le CIRV pour les infos transmises et pour a plupart des tableaux de ce billet, sans oublier madame Kim Loranger, directrice à l'export pour le Canada, qui m'a servi de guide lors de cet événement. 

Découvrons le Roussillon

Nous ne remonterons pas au tout début, car la culture de la vigne a démarré avec les Grecs, soit il y a 2,500 ans.

Le graphique suivant résume bien cependant ce qui s'est passé dans cette région depuis les 200 dernières années.

Note: cliquez deux fois sur les images de ce blogue pour les agrandir.

Grandeur, misère et renouveau

De 1741 jusqu'en 1882:  avec l'accroissement de la population en France, le nombre d'hectares plantés culmine à 76,000. Il faut expliquer qu'à cette époque, les vins doux naturels représentant la majeure partie de la production du Roussillon et qui étaient à l'époque dégustés à l'apéro, étaient fort prisés en France.

1891: Baisse drastique du vignoble avec l'arrivée du phylloxéra dans la région.

De 1911 à 1935: replantation du vignoble qui surfe toujours sur la popularité des vins doux naturels.

De 1960 à 2010: inexorable déclin résultant de la diminution mondiale de la consommation des vins sucrés.

De 2014 à nos jours: stabilisation du vignoble autour de 21,000 hectares; on développe de plus en plus le potentiel des vins tranquilles rouges et blancs.

Climat et sols

Les étés y sont chauds et les hivers doux. Le soleil brille 316 jours par année (2,530 heures d'ensoleillement).

Il y tombe entre 500 et 600 millimètres de pluie par année. Ces précipitations se concentrent surtout durant les 100 jours de l'automne, lors d'orages. Une bonne partie se perd donc en ruissellement.

Plus de 13 vents, le plus connu étant le Tramontane, balaient cette région durant plus de 180 jours par année.

Comparativement au Languedoc, la région du Roussillon est géologiquement plus tourmentée. On y dénombre une diversité de sols et sous-sols uniques au monde.

On peut la décrire comme un vaste amphithéâtre ouvert sur la Méditerranée à l'est et bordé par 3 massifs montagneux:

-Les Corbières au nord
-Les Pyrénées à l'ouest
-Les Albères au sud

Avec de telles conditions, les rendements tirés de la vigne ne sont pas très élevés, ce qui donne par contre une certaine concentration dans les vins, non pas en termes de lourdeur mais de saveurs. Alors que le rendement moyen des autres régions viticoles françaises tourne autour de 60 hectolitres (6,000 litres) à l'hectare, celui du Roussillon n'est que d'environ 28 hectolitres à l'hectare.

Soulignons également que plus de la moitié des exploitations viticoles de cette région pratiquent les cultures soit biologique, biodynamique, ou selon les critères de la Haute Valeur Environnementale (HVE). Un exemple à suivre.

Les appellations du Roussillon

Bien que ne représentant que 2% de la production vinicole française en volume, le Roussillon produit environ 80% des vins doux naturels.

Tel que mentionné, les producteurs de vins de cette région ont amorcé un certain repositionnement de leur offre vers les vins secs et tranquilles soit ceux qui sont de nos jours les plus consommés dans le monde.

On y retrouve 14 Appellations d'Origine Contrôlée (AOC), soit 9 en vins secs, 3 en IGP (Indication Géographique Protégée) et 5 en Vins Doux Naturels (VDN).

Pour élaborer leurs vins en AOP, les producteurs du Roussillon se servent principalement des cépages suivants:

En blanc: le Grenache Blanc, le Macabeu, la Malvoisie du Roussillon ou Tourbat (les 3 principaux), le Grenache Gris, le Muscat à petits grains et d'Alexandrie, la Marsanne, la Roussanne , le Vermentino, le Viognier et le Carignan Blanc (les 2 derniers ont été approuvés en 2017).

En rouge: le Grenache Noir et le Carignan (premier et second en importance), la Syrah, la Mourvèdre, le Cinsault et le Lledoner Pelut.

(Source: Manuel de sommellerie professionnelle de l'ITHQ)

En IGP, en plus des cépages déjà mentionnés ci-dessus, il est permis d'utiliser les cépages suivants:

En blanc: le Chardonnay et le Sauvignon Blanc

En rouge: Le Marselan, le Cabernet Sauvignon, le Cabernet Franc, le Merlot et le Chenanson.

Répartition des vignes

Le tableau suivant indique comment les 21,000 hectares de vignes plantées dans le Roussillon sont répartis selon les catégories de vins qu'ils produisent.

Les vins tranquilles secs avec 8,500 hectares représentent maintenant environ 40% de la production du Roussillon. Ceux-ci sont répartis par couleur de la manière suivante:

Ceux-ci se font peu à peu une belle réputation. On en exporte maintenant 6.5 millions de bouteilles de par le monde.

Selon mes calculs, ceci ne représente même pas 10% de la production totale de cette région. Il reste donc beaucoup à faire pour faire pour développer à l'international la demande des vins de cette région méconnue.

Les catégories de vins

Vins blancs: étant issus de cépages moins répandu ailleurs en France, les vins blancs du Roussillon sont délicieusement différents, tant au niveau de leur style que de leurs flaveurs. Ce qui vous surprendra cependant le plus sera leur étonnante fraîcheur. Il est remarquable que dans un tel climat on réussisse à préserver leur acidité naturelle.

Vins rouges:  la dégustation des vins de cette couleur permet de bien comprendre les subtiles mais bien réelles différences avec ceux du Languedoc. Les vins rouges roussillonnais en plus de toujours démontrer de la souplesse, de la fraîcheur et de l'équilibre, ne sont jamais trop boisés. Ils possèdent souvent un petit côté sauvage issu de leur environnement parfois inhospitalier, ce qui leur confère du caractère et une personnalité distincte.

Vins doux naturels: ayant pour appellations Rivesaltes, Muscat de Rivesaltes, Banyuls et Maury, ces vins sont le résultat d'un mutage soit en phase liquide ou sur grains. On utilise pour ce faire un alcool pur et neutre titrant 96% de volume que l'on ajoute dans le moût qui fermente dans une proportion de 5 à 10%. Certains sont alors mis en bouteilles, certains sont élevés avec une certaine oxydation (au contact de l'air), alors que d'autres sont vieillis hors chais en accéléré dans des demi-muids ou des bonbonnes de verre à l'extérieur. 

Et au Québec?

Avouons-le, nous partons de loin. Encore confondus avec les vins du Languedoc, les vins du Roussillon demeurent encore peu connus au Québec.

Il faut dire que parmi les 9,500 vins référencés présentement par la SAQ. Pour le Roussillon est bien loin de la centaine. Si les plus importants producteurs sont relativement bien représentés, il y a une pléthore de bons petits producteurs qui restent à découvrir (Arnaud de Villeneuve, Vaquer, Rombeau, Grier, etc.).

Afin de vous aider dans votre exploration, j'ai dressé une liste d'une trentaine de vins que je vous recommande, parmi ceux disponibles ici.

Bien que vous en connaissiez sans doute déjà quelques-uns, je suis persuadé que vous y ferez de belles découvertes.


Liste à télécharger