Dimanche soir le 4 décembre dernier, en compagnie de deux personnes faisant partie de mon cercle intime, je suis allé au restaurant pour célébrer un évènement heureux. Notre choix s'est arrêté sur le resto Le Pégase, situé sur la rue Gilford à Montréal qui offre une carte courte mais impeccable ainsi qu'un service aimable et attentionné.
Puisque ce restaurant fait partie de la catégorie de ceux qui permettent aux clients d'apporter leurs vins, j'avais sélectionné un très bon Bourgogne blanc qui servit d'apéro et accompagna bien par la suite les entrées de crevettes poêlées à la salsa d'agrumes ainsi que l'effiloché de crabe et sa galette de pomme de terre à l'artichaut.
Mon choix fut aussi heureux pour le vin rouge, en provenance lui aussi de ma réserve personnelle, car celui-ci se maria fort élégamment avec les 3 plats principaux différents choisis, à savoir: le carré d'agneau aux deux moutardes, le magret de canard sauce aux bleuets et porto et le filet mignon de boeuf au poivre de Madagascar. En effet, nous eûmes le privilège d'arroser ces plats d'un:
Château Margaux, premier cru classé, Bordeaux, 1993, France
Cépages: 75% Cabernet Sauvignon, 20% Merlot, 5% Cabernet Franc et Petit Verdot
Code: épuisé
Prix: $89.00 (il y a 15 ans environ)
Servir: ~17º Celsius
Histoire
Cet endroit était connu dès le XIIème siècle, il s’appelle alors « la
Mothe de Margaux » et ne possède pas encore de vignes. En 1152, Aliénor,
héritière du duché d’Aquitaine, épouse Henri Plantagenêt, le futur roi
d’Angleterre Henri II. L’Aquitaine va ainsi appartenir à l’Angleterre
jusqu’à la fin de la Guerre de Cent Ans, soit en octobre 1453, une période de vraie bénédiction pour les vins de Bordeaux auxquels
s’ouvre le marché anglais. Richard Cœur de Lion, le fils d’Aliénor et de
Henri II adopte le bordeaux comme vin de table quotidien. À la fin du XVIIème siècle, Château Margaux occupe
265 hectares, surface dont il ne s’écartera plus ; un tiers du domaine
est consacré à la vigne, comme c’est le cas encore aujourd’hui
En 1705, le London Gazette annonce la première
enchère des grands crus de Bordeaux : 230 barriques de « Margose » ! Le
millésime 1771 est le premier « claret » à apparaître dans un catalogue
Christie’s. La renommée des «premiers crus» franchit l’Atlantique
et Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis en France, dépeint la
hiérarchie qui règne déjà entre les meilleurs vins de Bordeaux avec
Château Margau (sic!) en première place. Il passe une commande de
Margaux 1784 dont il écrit « qu’il ne peut y avoir une meilleure
bouteille de Bordeaux ».
Ce domaine franchit une autre étape en 1801 lorsqu'il est vendu à Bertrand Douat, un basque revenu d’Espagne avec une fortune considérable et le titre de marquis de la Colonilla. Douat fait construire à la place de l'ancien manoir gothique la demeure que l’on admire aujourd’hui.
Lors de l'établissement du fameux classement officiel
de 1855 qui divise en 5 niveaux de qualité une soixantaine de crus du
Médoc et une propriété des Graves. Seuls quatre crus sont classés « Premier Grand Cru Classé » et Margaux est l'un de ces crus, le seul à être noté 20 sur 20. Malheureusement la dernière partie du XIXième siècle est une époque de mauvaise rentabilité pour le
Médoc qui est presque simultanément foudroyé par la grande récession
mondiale, le mildiou et le phylloxéra. La crise économique des années 30, la récession du début des années 70 et une suite de millésimes désatreux obligèrent les propriétaires de l'époque, la famille Ginestet, à mettre leur domaine en vente.
Une autre étape importante se déroule en 1977 lorsque la propriété est vendue à un homme d'affaires grec, André Mentzelopoulos, lequel a établi un programme de réhabilition afin que Margaux puisse retrouver la place qui était la sienne. Celeui-ci, en véritable anticipateur, investit massivement sans
espoir de rentabilité immédiate et dans un marché encore morose,
quelques années avant le nouvel âge d’or bordelais de la fin du XXème
siècle.
Son premier millésime, le 1978 est immédiatement salué
comme exceptionnel, preuve de l’efficacité et de l’ampleur de l’œuvre
d’André Mentzelopoulos. Il décède en 1980, trop tôt et trop vite
pour jouir de la renaissance de son Château Margaux; aucun propriétaire
n’aura joué un rôle aussi profond, et en aussi peu de temps, dans
l’histoire pourtant séculaire de Château Margaux.
Sa fille, Corinne Mentzelopoulos, prend la relève et s'entoure de l'oenolgue Émile Peynaud, et en 1983, de l'ingénieur agronome et docteur en œnologie Paul Pontallier, lequel est toujours de nos jours le directeur de la maison.
Site internet du producteur:
Le millésime 1993
Celui-ci en fut un correct, tout au plus. Afin d'assurer la qualité, on pratiqua à Château Margaux une sélection draconnienne et on écarta plus de 80% de la récolte, ne conservant que le meilleur 20% pour le grand vin. Le vin fut élevé 18 mois en barriques neuves à 100%. La bouteille choisie ayant maintenant 18 ans, j'avais anticipé que celle-ci serait passablement évoluée, près de son apogée. Surprise! Le vin était encore étonnamment jeune et doté d'une belle couleur brillante rouge rubis! Pour ceux qui en en en cave, sachez que ce vin pourra aisément tenir la route encore une douzaine d'années, sinon plus.
Notes de dégustation du Château Margaux 1993:
Couleur brillante rouge rubis; nez profond et fin de tabac, d'épices avec à peine quelques arômes tertiaires; l'attaque est fraîche et souple; la bouche soyeuse, gourmande avec une belle texture passablement fondue et harmonieuse; belle finale élégante et assez longue; ce vin n'a pas encore dit son dernier mot; du raffinement et de la classe!
Petite vidéo de 4 min. montrant le vignoble, le domaine et ses belles installations deux fois centenaires, le tout expliqué par Paul Pontallier, directeur de la maison.
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