Note: Ce texte a également été publié dans le HuffPost Québec (voir ici).
La majorité des consommateurs de vin ignorent l'existence de ce défaut plus répandu qu'on le croit, ou bien sont incapables de l'identifier. Corrigeons cette lacune.
Je sais que ce sujet suscite la curiosité de beaucoup d'amateurs de vin, car lorsque je tombe par malheur sur un vin bouchonné lors de l'un de mes cours sur la dégustation du vin, tous les participants semblent pour leur part très heureux de pouvoir enfin identifier avec assurance ce défaut.
Débutons tout d'abord par la partie aride de ce dossier en cernant l'origine de ce problème. Le fauteur de trouble est une molécule dont le nom est digne d'un personnage de Star Wars, le 2, 4, 6-trichloroanisole (TCA pour les intimes).
Le trichloroanisole peut être synthétisé sous l'action de moisissures à partir des chlorophénols qui sont formés à partir de molécules issues du chlore et qui peuvent provenir des écorces d'arbres pollués par des insecticides, de l'air, de produits chlorés d'hygiène, de produits de traitement du bois présent dans les locaux (charpente, palettes). Source wikipédia
Pas seulement une histoire de bouchon
Bien que la cause de la plupart des cas (95 %) soit le bouchon de liège, sachez qu'il est techniquement possible (pour 5 % des cas) qu'une bouteille de vin développe des odeurs de moisi, même si elle a été obturée par un bouchon synthétique ou une capsule dévissable (bien que ce soit beaucoup plus rare).
Ce texte est une version légèrement remaniée du billet publié le 7 janvier 2016 dans le présent média.
Si vous avez bien lu la définition ci-dessus, vous avez remarqué que des chlorophénols (du tétrachloroanisole cette fois-ci, ou TeCA) peuvent se trouver dans les charpentes de bois des chais ou sur le bois des palettes qui servent à déplacer et entreposer de la marchandise. Certains producteurs, en effet, ont la mauvaise habitude d'utiliser leur chai comme aire d'entreposage.
Il arrive parfois que des molécules transportées par l'air atterrissent dans certaines cuves de vin ouvertes, dénaturant éventuellement le goût des bouteilles de vin, malgré l'absence d'un bouchon de liège. Bon à savoir!
Quel en est le nombre?
Plusieurs études au cours des dernières années ont été conduites à ce sujet. La proportion des vins de part le monde contaminés (peu importe le niveau) varie entre 2% et 10%! Il est intéressant de remarquer que presque toutes les recherches mentionnent qu'il y a toujours au moins 2% de vins bouchonnés dans leurs échantillons. Il est donc très conservateur de dire qu'il y a de nos jours sur le marché entre 2% à 5% des bouteilles de vins susceptibles d'être plus ou moins affectés par le goût de bouchon.
Avec une proportion de 5%, cela signifie que même si les membres d'une famille ne boivent qu'une seule bouteille de vin par semaine, sur les 52 bouteilles qui seront achetées au cours d'une année, il y en aura donc au moins 2 qui seront plus ou moins bouchonnées...et qu'ils boiront probablement.
Déjà été pire
Quel en est le nombre?
Plusieurs études au cours des dernières années ont été conduites à ce sujet. La proportion des vins de part le monde contaminés (peu importe le niveau) varie entre 2% et 10%! Il est intéressant de remarquer que presque toutes les recherches mentionnent qu'il y a toujours au moins 2% de vins bouchonnés dans leurs échantillons. Il est donc très conservateur de dire qu'il y a de nos jours sur le marché entre 2% à 5% des bouteilles de vins susceptibles d'être plus ou moins affectés par le goût de bouchon.
Avec une proportion de 5%, cela signifie que même si les membres d'une famille ne boivent qu'une seule bouteille de vin par semaine, sur les 52 bouteilles qui seront achetées au cours d'une année, il y en aura donc au moins 2 qui seront plus ou moins bouchonnées...et qu'ils boiront probablement.
Déjà été pire
Au début des années 80, alors que de nouveaux vignobles de par le monde apparaissent ou augmentent de superficie suite à la popularité grandissante du vin, les producteurs de bouchons de liège peinent à répondre à la demande. Il faut en effet attendre environ neuf à dix ans avant que ne repousse l'écorce d'un chêne-liège.
On augmente la production avec des conditions d'hygiène moins rigoureuses. Buvant du vin depuis quelques décennies, je me rappelle cette époque où j'estime qu'environ 1 bouteille sur 6 s'avérait défectueuse à cause du TCA. L'enfer!
On développa alors des bouchons synthétiques et perfectionna la capsule à vis afin d'obturer les vins de consommation courante. Ceci permit de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pour les bouchons de liège. Le problème diminua, mais ne disparut pas totalement (voir ici).
Une molécule puissante
La principale raison pour laquelle perdure ce problème est la puissance de cette molécule. Il suffit qu'il y ait entre 2 à 8 nanogrammes dans un litre de vin pour qu'il développe ce goût de bouchon. À compter de 5 nanogrammes, presque tout le monde le décèle (ou devrait le déceler). Seuls les amateurs expérimentés parviennent à l'identifier lorsqu'il y a entre 2 et 4 nanogrammes au litre.
1 nanogramme, c'est un milliardième de gramme. Un millionième de gramme, soit un microgramme, se définit mathématiquement comme 10 à l'exposant -6. Le nanogramme, pour sa part, c'est 10 à l'exposant -9.
Et pour vous aider à visualiser la chose, 1 gramme de TCA est amplement suffisant pour contaminer 250 millions de bouteilles de vin (à raison de 4 nanogrammes par bouteille).
Les caractéristiques d'un vin bouchonné
Selon le degré de la contamination, un vin affecté par la molécule du trichloroanisole sentira l'humidité (carton mouillé, caveau de terre humide, etc.). Au goût, le vin semblera plat, comme mort, le fruit ayant semble-t-il disparu. Le vin blanc paraîtra oxydé et le vin rouge un peu piquant, rappelant vaguement le vinaigre.
Avec de tels attributs, on penserait que les amateurs identifieraient facilement les vins bouchonnés. Cela ne semble malheureusement pas être le cas.
Il se vend et se boit à chaque année environ 200 millions de bouteilles de vin au Québec. Avec 5 % de bouteilles potentiellement bouchonnées, cela représente 10 millions de bouteilles contaminées au TCA. Même en ne prenant que le plus bas pourcentage mentionné dans la plupart des études, soit 2 %, c'est plus de 4 millions de bouteilles de vin qui se retrouveraient dans cette situation.
La SAQ ne mentionne pas dans son rapport annuel combien de bouteilles lui sont retournées, ni les raisons évoquées par sa clientèle, mais gageons que leur nombre n'est pas aussi élevé qu'il ne le devrait.
Les consommateurs (du Québec et d'ailleurs) ingurgitent donc parfois des vins qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, c'est-à-dire sans les délicats arômes et le délicieux goût fruité qu'ils ont normalement.
À vous de jouer
C'est au consommateur de faire ici ses classes, car il est quasi impossible pour notre monopole, même avec son très performant laboratoire, d'identifier toutes les bouteilles potentiellement défectueuses. Parfois, seulement une partie du vin livré par un producteur sera affectée par ce problème. On ne peut analyser toutes les bouteilles.
Puisque la molécule de TCA s'identifie principalement par l'odorat et le goût, c'est vous, lorsque vous ouvrez une bouteille, qui êtes le mieux placé pour la déceler. Voici le mode d'emploi.
Comment identifier un vin bouchonné
Comment identifier un vin bouchonné
Premièrement, il faut être conscient qu'il y a une possibilité que le vin soit bouchonné. Si vous ignorez ce fait, vous risquez de passer tout droit.
Après avoir débouché la bouteille, sentez en second lieu le bouchon fraîchement extrait sur le côté qui a été en contact avec le vin (appelé côté miroir). Un peu déjà avoir un doute si au lieu d'un parfum de fruit, on sent plutôt une odeur aigre, humide ou piquante. Cette précaution en soit n'est pas suffisante car un vin peut être légèrement bouchonné sans nécessairement qu'une odeur bizarre n'émane du bouchon.
Troisièmement, après avoir versé un peu de vin dans un verre et l'avoir fait tourner dans celui-ci, on le hume. De deux choses l'une: on continue à avoir un doute ou bien tout semble correct.
Quatrième et ultime étape, on goûte au vin. Est-il bon? Est-il agréable? Goûte-t-il suffisamment fruité? Ou bien vous semble-t-il plat, acide, terreux et mort?
Petit truc: si vous avez toujours un doute, laissez votre verre légèrement rempli se réchauffer pendant 10-15 minutes sur le comptoir. Plus la température du vin sera élevée et plus la désagréable odeur du TCA sera facile à déceler.
Lorsque vous aurez clairement identifié un vin bouchonné à l'os, on ne pourra plus vous en passer.
Bien que boire du vin affecté par le désagréable goût de bouchon ne mettra pas en principe votre santé en péril, je ne vous préconise pas sa consommation. Il n'est même recommandable de l'utiliser pour cuisiner car il risquerait de ruiner vos sauces et vos plats.
Contrairement à certaines odeurs volatiles telles le soufre qui se dissipent graduellement à l'aération, un vin contaminé par le TCA ne s'améliorera pas avec le temps ou à l'aération.
Que faire?
Si vous êtes au restaurant, signalez à votre serveur ou au sommelier que votre bouteille est bouchonnée. On devrait vous la remplacer sans problème. Après tout, nous payons en général le gros prix au Québec pour notre vin (surtout au resto), le moins auquel on puisse s'attendre, est de recevoir un produit de première qualité.
Pareillement pour un produit acheté à la Société des alcools du Québec. Il doit cependant en rester au moins les trois quarts. Vous ne serez pas remboursé en espèces mais recevrez tout de même un crédit pour un montant équivalent du prix payé (même sans facture). Vous pourrez alors acheter le même produit ou un autre dont on déduira le montant de votre crédit.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire