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jeudi 29 octobre 2020

Voici pourquoi la SAQ n'atteindra probablement pas son objectif pour ses ventes en ligne

 

La Société des alcools du Québec désire d'ici trois ans, tripler ses ventes en ligne afin qu'elles atteignent 200 millions de dollars, en faisant passer ses ventes annuelles aux particuliers de 2% présentement, à 6% .




C'est ce qu'a déclaré le 19 octobre dernier madame Catherine Dagenais, la PDG de cette société d'état, lors de la conférence par internet organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Madame Dagenais présentait alors quelques éléments du plan stratégique de son organisation pour 2021-20123.

Si plusieurs médias ont rapporté cette nouvelle le 20 octobre dernier, fort peu se sont penchés sur les conditions requises pour que la SAQ puisse atteindre les objectifs fixés, et aucun à ma connaissance ne s'est commis sur les probabilités qu'elle y parvienne.


Du rattrapage à faire

Il était temps que la SAQ s'attèle à ce dossier qu'elle a un peu négligé jusqu'à maintenant, bien emmitouflé dans son marché monopolistique.

Si on examine les parts de marché des ventes en ligne de la plupart de biens de consommation, ceux-ci dépassent très largement l'objectif de 6% que la SAQ s'est fixé. 

Voici des statistiques sur les ventes en ligne fournies par Détail Québec pour 2018:

- vêtements, chaussures, bijoux: 38%

- musique, films, jeux vidéo: 28%

- billets pour spectacles et divertissements: 29%



Soulignons que ces % qui datent de 2018 sont probablement plus élevés en 2020.

Pourquoi serait-ce différent pour le vin et autres types d'alcool? Pourquoi en sommes-nous encore présentement à seulement 2%? Serait-ce parce que ce secteur de la vente au détail est une exclusivité gouvernementale?



Quoiqu'il en soit, on vient semble-t-il de se rendre compte de cette piètre situation dans les hautes sphères de la SAQ. On réalise que les gens font maintenant de plus en plus leurs achats en ligne, parfois même leur épicerie Ce comportement s'est de plus accéléré dans le contexte sanitaire que nous connaissons.

« Le comportement du consommateur change et évolue. C’est à la SAQ de s’adapter à cette nouvelle réalité » - Catherine Dagenais, PDG de la SAQ

Il est fort à parier que cette habitude se poursuivra par la suite, l'habitude étant maintenant bien ancrée chez les consommateurs québécois.

Sans nier que la SAQ a depuis les 5 dernières années entrepris de belles initiatives afin d'améliorer l'expérience client en succursale, on n'a pas par contre semblé faire le même effort en ce qui concerne les ventes en ligne, lesquelles ne compte toujours que pour un maigre 2% des ventes aux particuliers.


Des correctifs à apporter

Afin d'expliquer la médiocre performance de ses ventes en ligne si on la compare aux autres commerces de détail, les dirigeants de la SAQ ont ainsi identifié certaines lacunes qu'il leur faudrait combler.

Mentionnons entres autres:

Les trop longs délais de livraison

Lorsque les Québécois.es commandent en ligne des biens de consommation provenant la plupart du temps de l'extérieur de la province, ils les reçoivent généralement dans les 48 heures. Présentement, les délais de livraison de la SAQ pour des produits pourtant déjà présents au Québec, sont de 3 à 5 jours ouvrables. Et si votre commande est inférieure à 75$, vous devez payer des frais de livraison. Bref, si vous ne commandez pas votre vin le lundi au plus tard, vous risquez de ne pas l'avoir pour samedi soir. 

Objectif: La SAQ désire ramener ce délai à 24 heures.



Nombre insuffisant de produits disponibles en ligne

Selon Marc André Gagnon du site vinquebec.com:

« Actuellement, sur les 14 000 produits (vins, spiritueux, etc.) de la SAQ il n'y en a que 2600 qui sont en ligne. Pour les vins, c'est seulement 1600 vins sur près de 10 000 qui peuvent être achetés en ligne. C'est la moitié moins que l'an dernier. »

Objectif: La SAQ désire éventuellement enrichir substantiellement son offre de produits pouvant être commandés en ligne

Après tout, personne n'aime faire ses courses dans un supermarché dont les tablettes sont aux 3/4 vides, n'est-ce pas?


Crédit-photo: ici.radio-canada.ca


La cible sera-t-elle atteinte?

Je vous rappelle que l'on désire d'ici la fin de 2023 faire passer la part des ventes en ligne de 2% à 6% des ventes annuelles aux particuliers, soit 200 millions de dollars. 

Depuis le début de la pandémie en mars dernier, les ventes en ligne sont déjà à 4%. L'objectif fixé d'atteindre 6% d'ici la fin de 2023 est donc peu ambitieux et demeure très en deçà des performances obtenues dans la plupart des autres catégories de ventes au détail.

Qu'à cela ne tienne, même si les deux lacunes mentionnées ci-dessus sont corrigées, voici selon moi pourquoi la SAQ ne parviendra pas à atteindre le niveau de ventes en ligne visé par son plan stratégique pour 2021-2023, à moins que ma recommandation ci-dessous soit mise en œuvre.

Je suis persuadé que vous seriez incapable de me nommer une seule entreprise commerciale qui viserait un marché de 200 millions de $ et qui mettrait volontairement de côté 62,5% de ses clients potentiels.

C'est pourtant, contre toute logique, ce qu'a fait jusqu'à maintenant la SAQ. Comment? En faisant de la possession d'une carte Inspire, une condition obligatoire pour pouvoir commander en ligne sur son site internet. Vous avez bien lu.

Citons la SAQ:

« Le programme SAQ Inspire a séduit les québécois puisqu’en 3 ans, sur 5.6 millions d’acheteurs potentiels d’alcool au Québec, on dénombre 2,1 millions d’abonnés (à la carte Inspire). » 

C'est donc dire que l'on permet à seulement 37,5% des clients potentiels de commander en ligne des produits vendus par la SAQ. Ne vous demandez plus après ça pourquoi les commandes en ligne végètent dans les bas-fonds.




On peut certes comprendre d'un point de vue marketing, l'utilité pour la SAQ de colliger des informations sur les achats en magasins par les clients, puisqu'autrement elle ignorerait qui achète quoi. 

Mais ce n'est pas le cas lorsque l'on commande via l'internet, puisque l'on doit fournir nom, adresse, courriel et # de carte de crédit.

Si l'absence d'une carte de fidélité obligatoire satisfait les géants des ventes en ligne (Amazon, eBay, Best Buy, etc.), je ne vois pas pourquoi notre monopole d'état ne pourrait pas s'en accommoder lui aussi.

Ma recommandation: rendre les commandes en ligne de la SAQ accessibles à tous les consommateurs de 18 ans et plus (augmentant ainsi de plus de de 3.5 millions le bassin d'acheteurs potentiels). 

Il est assez facile de comprendre que les chances d'augmenter ainsi les ventes en ligne seraient excellentes. Nous verrons bien à la fin de 2023 si la SAQ a pris la bonne décision et où elle en sera rendue avec ses ventes en ligne. Comptez sur moi pour suivre ce dossier.


Un avantage sanitaire également 

En exigeant que les consommateurs soient abonnés au programme Inspire pour commander en ligne, la SAQ oblige des millions de personnes à se rendre en succursales pour leurs achats de vin et d'alcool, alors qu'elles pourraient le faire à partir de chez elles. C'est tout à fait inacceptable par les temps qui courent.

Pourtant, les grands bonzes de la santé publique ainsi que le Premier Ministre du Québec ne cessent de nous dire ad nauseam de limiter nos déplacements pour éviter la propagation du coronavirus. 


Crédit-photo: ledevoir.com


N'est-ce pas plutôt contradictoire (et même gênant) qu'une de leurs propres sociétés d'état, pour des raisons idéologiques et bureaucratiques, contraigne ainsi une grande partie de la population québécoise à se rendre dans ses succursales et à augmenter ses contacts avec des tiers, en les privant injustement de la possibilité de faire leurs achats en ligne?

Par cette pratique, la SAQ devient un agent facilitateur de transmission de la Covid-19. C'est d'une implacable évidence mathématique: plus de contacts engendrent forcément plus de cas, qui malheureusement entraînent plus de décès.

C'est pourquoi le gouvernement du Québec doit immédiatement enjoindre la SAQ de rendre son site transactionnel en ligne accessible à tout consommateur québécois en âge de consommer de l'alcool. Rien de bien compliqué pourtant.

Je me demande s'il y aura au moins un.e journaliste qui osera demander à notre Premier Ministre, monsieur François Legault, s'il compte apporter les correctifs qui s'imposent à ce sujet.

Si le gouvernement pouvait plaider l'ignorance pour ne pas intervenir, ce n'est plus le cas maintenant.


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