NOTE: Ce texte a aussi été publié le 19 novembre 2015 dans le Huffington Post Québec (voir ici).
C'est le 18 novembre dernier qu'a eu lieu le lancement du livre du sommelier bien connu Jacques Orhon, intitulé Le Vin Snob. Cette brève analyse vous indiquera si ce bouquin est fait pour vous.
L'auteur connaît depuis quatre décennies une carrière bien remplie. Il est entre autres, le fondateur de l'Association canadienne des sommeliers professionnels. Il a écrit de nombreux livres sur le vin qui sont publiés à l'échelle de la planète, incluant la Chine. Le présent opus représente si je ne m'abuse son 17è livre.
Si je suis en mesure de déjà vous en parler, c'est que j'ai assisté le 11 novembre dernier dans le Vieux-Montréal, à un pré-lancement à l'intention des gens du milieu du vin, et que j'ai ainsi pu lire l'exemplaire qui m'a été alors remis.
Lors de cette occasion, une table ronde rassemblant diverses personnalités dont Nadia Fournier, avait été organisée, avec nulle autre que l'écrivaine Chrystine Brouillette pour assurer l'animation.
Chrystine Brouillette et Jacques Orhon |
Jacques, le rebelle
Alors qu'à ma connaissance les autres livres précédents de M. Orhon couvraient les régions viticoles, les producteurs et leurs vins, celui-ci dévoile principalement les opinions de l'auteur à propos d'un certain snobisme affiché parfois par certains acteurs du milieu du vin, ainsi que divers aspects de sa production et de sa mise en marché.
Celui-ci d'ailleurs avoue "s'être senti rebelle en écrivant de ce livre" (p.189). Si peu de livres du genre au sujet du vin sont publiés au Québec, c'est qu'il y a peu de personnes comme l'auteur qui soient en mesure de parler si librement.
Probablement indépendant de fortune après une si fructueuse carrière, notre homme visiblement ne doit rien, ni n'attend rien de personne. Ayant déjà la langue bien pendue, celui-ci s'est permis cette fois-ci d'avoir la plume tout aussi éloquente.
Probablement indépendant de fortune après une si fructueuse carrière, notre homme visiblement ne doit rien, ni n'attend rien de personne. Ayant déjà la langue bien pendue, celui-ci s'est permis cette fois-ci d'avoir la plume tout aussi éloquente.
Le snobisme et le vin
Dès le départ, Jacques Orhon campe ses positions et déclare qu'il n'aime pas le vin snob car le vin ne devrait pas être élitiste (p. 8). Une telle attitude intimiderait beaucoup de gens et les détourneraient du plaisir du vin (p. 10).
Il cite le photographe Marcel Natkin qui disait que "le snobisme est une manière pour les gens sans personnalité, de s'en donner une" (p. 19).
Il dénonce, mais jamais méchamment, les dérives de certains intervenants du milieu du vin qui ont une propension à se prendre au sérieux (p. 13). On intellectualise inutilement parfois trop le vin puisqu'on a pas besoin de tout connaître pour l'apprécier (p.22).
Et notre homme de donner avec humour certains exemples (p. 19) qui expliquent l'art d'être snob, tels que boire des vins à la mode même s'ils ne sont pas terribles, acheter uniquement des vins prestigieux ou l'inverse, n'acheter que des vins inconnus, ne privilégier que des cépages à la mode ou a contrario, que des cépages inconnus, etc.
Mais le summum revient à sa description de la fréquentation par une certaine faune des cocktails dînatoires fréquentés par le gratin, "où l'on se dandine assiette dans une main et verre dans l'autre, cherchant désespérément un banc, une chaise, une marche pour poser son postérieur, jonglant tant bien que mal avec la verrine et la fourchette en plastique qui tombe à tous les coups, pendant que l'on essaye de rattraper la petite serviette qui vient de s'envoler pour atterrir sous le talon haut de la jolie passante au décolleté plongeant, lui-même responsable sans doute de cette situation".
Les snobeliers!
M. Orhon se moque gentiment au passage de ces sommeliers, qui démarrant parfois à peine dans le métier, font preuve d'une certaine arrogance envers leurs clients.
Au lieu d'échanger avec sobriété afin de tenter de satisfaire la clientèle, les snobeliers préfèrent étaler comme de la confiture leurs connaissances devant celle-ci.
Et il n'est pas rare qu'en plus d'une telle attitude, ces snobeliers et snobelières tentent par la même occasion de forcer la main de ceux à qui ils prodiguent leurs conseils en les dirigeant à tout prix vers des produits devenus leurs derniers chouchous, les vins nature par exemple.
Idéalement, c'est le vin qui devrait être la vedette, pas la personne qui l'explique et le recommande.
Autres sujets
Le point du snobisme ayant été couvert, M. Orhon en profite par la suite pour donner son point de vue sur plusieurs autres sujets relatifs au vin, dont entre autres:
-Le vin-dollar, ou lorsque ce que certaines personnes aiment le plus du vin est le profit qu'il procure (p. 57)
-Le prix du vin, soit les montants insensés demandés pour certains vins alors que si on se base sur leur coût maximal de production, aucun ne devrait coûter plus de 100$ (p. 72).
Faites attention aux vins surévalués à la réputation exagérée. Alors qu'il faut se lever tôt de nos jours pour produire de la piquette, des vins auréolés d'une supposée gloire qui en met plein la vue et qui ne méritent pas leurs prix, il y en a à la pelle.
-La dictature des notes, ou l'art de donner l'illusion d'aller droit au but avec une note sur 100 points, alors que cela ne rime pas à grand-chose, hormis de pouvoir vendre plus un certain produit et plus cher de surcroît! (p.97) Un point de vue assez semblable au mien et publié le 23 janvier 2015.
-Vous connaîtrez aussi ce qu'il pense des ÉcriVins (p. 111), des vins bios (p. 119), des vins nature (p. 131), de l'abus du bois dans le vin (p. 145), des cépages (p. 147), de l'obsession du millésime (p. 159), des différents modes d'obturation des bouteilles (p. 167), des nombreux gadgets "plus futiles qu'utiles" que l'on trouve sur le marché (p. 203), de son souhait de pouvoir trouver un jour des vins de meilleure qualité des les marchés d'alimentation (p. 192).
La Société des alcools du Québec
Bien difficile de parler de la commercialisation du vin au Québec sans parler du monopole que le gouvernement provincial a mis en place depuis 1921.
Après en avoir expliqué avec justesse les avantages de ce système, M. Orhon mentionne qu'il y a tout de même certains ajustements à apporter, dans le même veine que mon billet du 16 janvier dernier, Il y a deux SAQ dans la SAQ.
Parmi les points à revoir selon lui, notons:
-La gestion des produits par catégorie,
-La trop grande importance accordée lors de la sélection des produits aux notes accordées par des guides comme le Wine Spectator et le Wine Advocate (p. 234)
-La sélection par la SAQ de vins onéreux dont la qualité n'est pas à la hauteur de leur prix (p. 239)
-Le nombre insuffisant de vins d'entrée de gamme de bonne qualité et à prix attractifs (p. 240)
-La taxation régressive appliquée sur les vins les moins chers (p. 241) Voir le billet écrit le 14 novembre 2014 à ce sujet
-Utiliser le gigantesque pouvoir d'achat de la SAQ pour offrir de meilleurs vins et non de meilleurs plans promotionnels (p. 241)
Je ne peux que souscrire également à chacune de ces recommandations.
Conclusion
Bien que je ne vous aie pas tout révéler à propos de ce livre de 261 pages publié aux Éditions de l'Homme à un prix de 27,95$, ce bref compte-rendu je l'espère, vous aura permis de vous en faire une bonne idée.
Il constituera une lecture agréable et instructive, autant pour les amateurs de vin que les gens de l'industrie.
Vous pourrez ainsi répondre à la question de ce billet: Avez-vous le vin snob?
Pas si simple, si l'on considère "qu'on est toujours sans aucun doute le snob de quelqu'un..." (p. 215)
Suggestions de la semaine:
Voici pour vous cette semaine, 9 recommandations très détaillées de vins (3 blancs et 6 rouges), que vous soyez snob ou pas.
Pour télécharger ces 9 recommandations
Vins blancs
Pour télécharger ces 9 recommandations
Vins blancs
Marquês de Marialva, Colheita Seleccionada, Bairrada, 2014, Portugal, 11,75$
Thema, Sauv. blanc/Assyrtiko, Pavlidis, 2014, Grèce, 19,85$
Chablis 1ier cru, Fourchaume, Château de Maligny, 2013, France, 36,50$
Vins rouges
Fonte do Nico, Santo Isidro de Pegões, Peninsula de Setúbal, 2014, Portugal, 9,35$
Quinta da Maias, Faldas da Serra, Dão, Portugal, 17,00$
Cannonau di Sardegna, Sella & Mosca, Sardaigne, 2011, Italie, 18,60$
Brouilly, Voujon, Domaine Ruet, 2013, France, 20,50$
Graciano, Ijalba, Rioja, 2012, Espagne, 21,90$
Cabernet Sauvignon, Montes Alpha, Colchagua, 2012, Chili, 22,45$
Bonnes dégustations!
Humour:
À l'opposé de l'attitude quelque peu arrogante des snobeliers décrite par notre ami Jacques dans son livre, il existe des sommeliers au style plus familier. Voyons ce qui arrive lorsque la sommelière est...dyslexique!
Vins rouges
Fonte do Nico, Santo Isidro de Pegões, Peninsula de Setúbal, 2014, Portugal, 9,35$
Quinta da Maias, Faldas da Serra, Dão, Portugal, 17,00$
Cannonau di Sardegna, Sella & Mosca, Sardaigne, 2011, Italie, 18,60$
Brouilly, Voujon, Domaine Ruet, 2013, France, 20,50$
Graciano, Ijalba, Rioja, 2012, Espagne, 21,90$
Cabernet Sauvignon, Montes Alpha, Colchagua, 2012, Chili, 22,45$
Bonnes dégustations!
Humour:
À l'opposé de l'attitude quelque peu arrogante des snobeliers décrite par notre ami Jacques dans son livre, il existe des sommeliers au style plus familier. Voyons ce qui arrive lorsque la sommelière est...dyslexique!
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