Note: Ce texte a été aussi publié le 29 janvier 2014 dans le Huffington Post Québec (voir ici).
Voici un résumé au sujet de cette demande de recours collectif, passée presque sous silence, mais dont on devrait entendre de plus en plus parler prochainement.
Loin de moi l'idée d'embarrasser ici la Société des alcools du Québec. Le but premier de ce billet est de vous informer le mieux possible de ce qui pourrait survenir suite à cette conjoncture.
Loin de moi l'idée d'embarrasser ici la Société des alcools du Québec. Le but premier de ce billet est de vous informer le mieux possible de ce qui pourrait survenir suite à cette conjoncture.
C'est le 15 janvier dernier que le Journal de Montréal et de Québec, sous la plume de Pierre Couture, nous apprenait en effet qu'après avoir échappé en 2013 à une demande de recours collectif, que la SAQ devrait vraisemblablement devoir y faire face à nouveau.
La première fois
Rappelons que le premier recours collectif avait été rejeté en septembre 2013 par le juge de la Cour Supérieure Stéphane Sansfaçon pour certaines raisons, mais principalement celle-ci:
Le gouvernement du Québec en créant un monopole sur l'alcool savait que les marges bénéficiaires seront juteuses et élevées; c'était souhaité et voulu ainsi puisqu'il en est le principal bénéficiaire.
Selon le juge Sanfaçon, la Société des alcools du Québec n'est pas assujetti à l'article 8 de la Loi de Protection du Consommateur qui interdit l'exploitation excessive et abusive des consommateurs. Citons qu'une telle exploitation survient lorsqu'il y a un déséquilibre ou une disproportion entre le valeur économique d'un bien ou d'un service que reçoit un consommateur en regard du prix payé pour celui-ci.
Pour le juge Sansfaçon, on ne peut reprocher à la SAQ de profiter de sa « situation de plein monopole sans balises indépendantes » afin de « gonfler artificiellement » les prix de ses produits et ainsi générer des « marges bénéficiaires démesurées ». En d'autres mots, en vendant ses produits beaucoup trop chers, la SAQ ne fait que remplir son mandat.
Oh! oh! une petit changement
Le réquérant de ce premier recours collectif, Jean-René Jasmin, suite au refus de sa demande en septembre 2013 par le juge Sansfaçon, interjette un appel à la Cour d'Appel du Québec.
Le résultat est dévoilé par le juge Jacques Dufresne le 14 janvier 2015. Le jugement de septembre de la Cour Supérieure de ne pas autoriser le recours collectif tel quel est maintenu, mais à une nuance près, soit que
la SAQ est bel et bien assujettie, comme tout autre commerçant, à l’article 8 de la Loi de Protection du Consommateur...L'Honorable juge Dufresne de la Cour d'Appel poursuit en mentionnant que l'erreur du premier recours collectif intenté en septembre dernier visait trop large en ne précisant pas quelles catégories de produits de la Société des alcools du Québec avaient des marges abusives.
Le nouveau recours collectif
Quelques jours après que le jugement de la Cour d'appel du Québec ait été révélé, une nouvelle demande de recours collectif contre la SAQ a été déposée à la Cour Supérieure du Québec. Cette fois-ci la nouvelle demande tient compte des commentaires émis par le juge Dufresne de la Cour d'Appel du Québec dans son jugement du 14 janvier dernier.
La demande vise spécifiquement les vins de moins de 25$ et les spiritueux de moins de 50$. Le requérant a aussi en poche cette fois-ci la confirmation que la SAQ est assujettie à l'article 8 de la Protection du Consommateur qui interdit l'exploitation abusive, chose qui n'avait pas été reconnue précédemment par le juge de la Cour Supérieure.
Cela sera très intéressant à suivre.
Qu'en résultera-t-il?
Bien malin qui peut le dire. Il est important toutefois de préciser que le monopole de la SAQ n'est pas ici remis en question. Si le requérant a gain de cause, cette société d'état continuera d'exister et les employés ne risquent pas en principe de perdre leur travail.
Ce qui est mis en cause c'est la marge de profit trop élevée pour les catégories de produits mentionnées ci-dessus.
Quelques exemples
On peut imaginer à titre d'exemple que la Cour demande au monopole de réduire de 25 à 30% sa marge de profit pour les vins de moins de 25$. Voici une idée de ce qui se produirait si la SAQ devait se "contenter" d'une majoration moyenne de 100% tel que le demande le requérant au lieu du 135% présentement:
-un vin maintenant à 20$ passerait à 17,25$
-un vin maintenant à 16$ passerait à 14,00$
-un vin maintenant à 12$ passerait à 10,50$
-un vin maintenant à 10$ passerait à 8,75$
Pas la mer à boire comme on peut le voir.
Conséquences monétaires
À l'opposé de plusieurs personnes qui s'inquiètent d'une éventuelle diminution du dividende de 1 milliard de dollars que le monopole verse au gouvernement du Québec si les prix des vins d'entrée et de milieu de gamme devait diminuer d'environ 15% tel que mentionné ci-dessus, je juge que cette situation a peu de chances de se produire à moyen terme.
Les hausses de prix élevées décrétées au cours des trois dernières années par la SAQ sur les vins de moins de 20$ qu'elle vend, ont non seulement fait baisser le volume de vin vendu annuellement, mais aussi fait perdre une partie de sa clientèle. Un retour des prix à un niveau plus raisonnable entraînera la venue de nouveaux clients et un augmentation du nombre de bouteilles vendues, conservant ainsi le montant du dividende versé.
Les dommages punitifs auxquels le juge pourrait condamner la SAQ me préoccupent davantage. Ceux-ci pourraient en principe dépasser les 2 milliards de dollars. Ouch! Un léger trou dans le budget du gouvernement.
Gagner la bataille, perdre la guerre?
Mais dans l'éventualité où par jugement la SAQ serait obligée de rabaisser sa marge de profit, il serait possible que le gouvernement, par crainte de voir ses revenus diminuer, n'augmente tout simplement sa taxe spécifique sur le vin.
Elle était de 0,89$ la bouteille il y a un an et a été majorée à 1,13$ le 1ier août dernier. S'il augmente d'un coup cette taxe d'un autre 2,00$ la bouteille, la SAQ respectera le jugement mais le consommateur se retrouvera gros-jean comme devant. Il n'existe semble-t-il au Québec aucune loi pour limiter la capacité du gouvernement de dépenser ou d'imposer des taxes aussi loufoques ou frivoles soient-elles.
Il est très malheureux que des citoyens n'aient d'autres moyens que d'avoir recours aux tribunaux pour tenter de se prémunir contre certains abus de leur propre gouvernement. S'il est sage et prévoyant, celui-ci saura comprendre le message qui lui est livré entre les lignes par cette action judiciaire. Gérer, c'est prévoir. J'ai toujours pensé pour ma part que la négociation et la bonne foi était préférable à la confrontation. Dans ce cas-ci, cela semble presque trop tard.
Pour en apprendre davantage
Dans les jours suivants l'annonce du nouveau recours collectif, j'ai eu l'occasion de participer à certaines entrevues à la radio et à la télévision à ce propos.
Non pas que je suis plus beau, meilleur ou plus intelligent que d'autres, mais je suis semble-t-il l'un des seuls chroniqueurs vin à accepter de commenter publiquement un tel sujet. Pas moi qui le dit mais les recherchistes des différents médias lorsqu'ils m'appellent désespérés, parfois suite à un désistement de dernière minute.
Quand ça va bien et que ça ne risque pas de froisser notre monopole, les gens se battent pour être invités à la radio, à la télé, ou pour publier un texte. Je ne puis blâmer quiconque d'agir de la sorte, la plupart des gens du milieu du vin ayant des familles à nourrir. Quand il s'agit d'un sujet délicat, gardez à l'esprit que l'omerta joue pleinement son rôle.
Qu'y a-t-il donc de répréhensible d'assurer un minimum d'information à la population et de vouloir en débattre de manière civilisée?
Voici donc deux liens qui vont mèneront à des entrevues que j'ai récemment données.
À Radio 9 avec Louis Lemieux
C'est vers 9h45, mardi le 20 janvier 2015, que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec l'animateur bien connu Louis Lemieux, dans le cadre de son émission matinale "Lemieux, c'est le matin" à Radio 9 (91,9FM).
Ma discussion de 6 minutes avec le journaliste est suivie d'une entrevue de 5 minutes avec maître Daniel Bourgoin, l'avocat qui représente le requérant pour cette demande de recours collectif.
Lien pour écouter cette entrevue
À LCN avec Denis Lévesque
Le vendredi 16 janvier 2015, j'ai participé à une tribune libre à l'émission télé "Le Québec parle", animée par Denis Lévesque, sur les ondes de la chaîne LCN.
Nous avons, pendant une vingtaine de minutes, débattu de la question, tout en commentant et répondant en direct aux questions des auditeurs. Un exercice périlleux mais très intéressant.
Voici la vidéo:
Un dossier à suivre.
Suggestions de vin de la semaine:
Vins blancs
Bourgogne Jurassique, Jean-Marc Brocard, 2013, France, 20,20$
Bourgogne Aligoté, Thomas Bachelder, 2013, France, 24,00$
Vins rouges
Coto de Hayas, Bodeganas Aragonesas, Campo de Borja, 2013, Espagne, 11,35$
Beaujo chéri, Collin-Bourisset, Beaujolais, 2013, France, 14,60$
Syrah, L'Appel des Sereines, François Villard, 2012, France, 21,05$
Château Mont-Redon, Abeille-Fabre, vallée du Rhône, 2012, France, 24,30$
Bonnes dégustations!
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