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jeudi 18 avril 2013

TOUTE LA VÉRITÉ SUR LE VINS DE MOINS DE 15$


Note: Ce texte a aussi été publié le 17 avril 2013 dans le Huffington Post Québec (voir ici).

Suite à  la parution le 28 mars dernier d'un article de Pierre Couture dans le journal Le Soleil où, chiffres à l'appui, il était démontré que le nombre de vins de moins de 15$ avait baissé de plus de 25% au cours des quatre dernières années, le service des relations publiques de la SAQ s'est mis à s'activer.

Basé sur le chiffres de Marc André Gagnon du site vinquebec.com, on y apprenait que le nombre de vins de cette catégorie de prix était passé de 1040 en mars 2009 à 786 en mars 2013. Curieusement pendant cette même période le nombre de produits entre 15$ et 30$ avait lui augmenté de 25% (2869 en 2009 contre 3611 aujourd'hui).

En plus d'un communiqué  publié le 4 avril dernier dans la section Médias de leur site internet, la directrice des affaires publiques de la SAQ, Isabelle Merizzi,  a accordé le 29 mars dernier une entrevue radiophonique d'environ onze minutes à l'animateur Paul Houde, dans le cadre de son émission de l'après-midi au 98.5FM de Montréal, afin de commenter l'article du journal Le Soleil.


Pour ceux et celles qui voudraient écouter cette entrevue, vous pourrez utiliser ce lien:

http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=170252

Il est très intéressant d'examiner les chiffres de la version de la Société des Alcools du Québec. 

Paul Houde: Est-ce que ces chiffres sont bons, c'est-à-dire qu'environ 25% des vins de moins de 15$ depuis 2009 ont disparu?

Note :  Appréciez comment habilement la relationniste ne dément pas le chiffre calculé par Marc André Gagnon de vinquebec.com mais en suggère plutôt un autre.
   
Mme Merizzi:   Au moment où l'on se parle présentement on a dans notre réseau à la dernière vérification il y a quelques minutes, 900 produits en bas de 15$, donc il y en a encore beaucoup...

Toute personne perspicace se demandera comment peut-il y avoir plus de 900 produits en bas de 15$ alors que M. Marc André Gagnon qui a une réputation de grande rigueur affirme pour sa part qu'il n'en reste maintenant plus qu'à peine 786?  L'une de ces deux personnes se trompe forcément, les deux ne pouvant avoir raison en même temps sur ce point.

Voici une capture d'écran que j'ai prise sur le site de la SAQ le 7 avril dernier pour une recherche sur le nombre de vins vendus à 14,99$ et moins (les encadrés rouges sont de moi):


On y voit dans le premier carré rouge qu'il y a un total de 945 produits dans cette catégorie de prix. Est-ce à dire que c'est la SAQ qui a raison?  Et bien non, et voici pourquoi.

Après avoir moi-même vérifié auprès de M. Gagnon, lorsque celui-ci a identifié en 2009 les 1040 produits en bas de 15$, il a et avec raison, compté le nombre de vins offerts dans le format que 95% des gens choisissent habituellement, soit la bouteille standard de 750 ml. Et quand celui-ci affirme qu'en mars 2013 il en a dénombré 786, il s'agit toujours du nombre de vins proposés dans le même format populaire de 750 ml, soit bel et bien 786 produits différents. Si l'on veut pouvoir faire une comparaison sensée il faut utiliser la même référence, c'est la seule manière logique de procéder. De plus,  on évite de cette manière de compter le même vin deux fois, celui-ci ne pouvant pas être logiquement présent plus d'une fois dans le même format.

Avec quoi donc alors la SAQ compare-t-elle le chiffre de 1040 produits différents de 750 ml répertoriés en 2009 pour affirmer qu'il en reste aujourd'hui plus de 900? Et bien comme nous pouvons le voir dans le deuxième carré rouge, celle-ci a additionné le nombre de produits de moins de 15$ offerts dans TOUS les formats possibles au lieu de prendre uniquement le nombre de vins offerts en format de 750 ml! On voit très bien que pour le format de référence, le 750 ml, le nombre au 7 avril n'était plus que de 774.

Il y a donc eu 12 produits d'éliminés en un mois, M. Gagnon en dénombrant 786 au début de mars 2013 (note: et plus que 764 au moment de cette publication!). Il est facile de se rendre compte que l'on a déjà sérieusement commencé à escamoter cette fois les vins de moins de 15$, le sort des vins de moins de 10$ étant à tout fin pratique déjà scellé. 764 vins de moins de 15$ au lieu de 945, cela fait une énorme différence; mais c'est le premier chiffre qui est bon et le second qui est inexact.

Quand on parle du choix disponible pour les vins vendus moins de 15$, les gens pensent et avec raison, aux vins offerts en format courant, soit la bouteille dite bordelaise de 750 ml et qui sont différents les uns des autres. Inclure entre autres dans dans ce nombre les 12 produits de 250 ml (tiers de bouteille) et les 89 produits de 375 ml (demi-bouteille) que l’on retrouve aussi pour la plupart dans le format 750 ml, c'est jouer sur cette perception pour embellir le portrait global. Pour mieux illustrer mon propos, voici une capture d'écran réalisée le 14 avril dernier pour la recherche des produits vendus à la SAQ en format de 250 ml et qui font partie du chiffre avancé par celle-ci aux médias:




Vous y remarquerez qu'on retrouve évidemment, compte tenu du très petit format,  beaucoup de vins en bas de 5$ ce qui n'a rien à voir avec le sujet couvert par l'article du journal le Soleil cité au début. Suivant cette même logique, il est surprenant que la SAQ n'ait pas pensé de nous dire, tant qu'à jouer sur les concepts, les chiffres et les mots,  que du vin à moins de 5$ ça existe encore au Québec!

La SAQ ne compare donc pas  des pommes avec des pommes faisant de sa démonstration un exercice intellectuellement incorrect. Ce n'est pas parce qu'un même vin serait offert en formats de 250 ml, 375 ml, 500 ml, 750 ml et même 1 L et 1.5 L que l'on peut dire comme le fait la SAQ qu'il s'agit de 6 vins différents.  

Si on tient à utiliser le chiffre de 945 produits tous formats confondus pour faire la comparaison avec celui de 2009, il faudrait utiliser le nombre de produits en 2009 qui étaient alors disponibles dans tous les formats. On arriverait alors fort probablement à la même conclusion, soit celle d'une diminution d'au moins 25% des produits offerts dans cette catégorie de prix.

Il n'y a logiquement que deux possibilités qui puissent expliquer la différence entre cet impair médiatique d'avec la réalité: soit que l'on ait volontairement jonglé avec les chiffres pour atténuer la perte bien réelle de plus de 25% des vins vendus moins de 15$, soit que l'on se soit involontairement fourvoyé en ne comprenant pas comment leur propre site fonctionne. Nous ne le saurons sans doute jamais, mais pour ma part, dans un cas comme dans l'autre, je trouve cela plutôt inquiétant.

Il n'en demeure pas moins que l'animateur Paul Houde et ses milliers d'auditeurs ont sciemment ou non, été induits en erreur, ainsi qu'en date d'aujourd'hui toutes les personnes, notamment les journalistes, qui consultent la section Médias du site internet de la Société des Alcools du Québec. Selon moi, c'est vinquebec.com qui nous donne sans détour  l'heure juste.

Terminons sur la question des vins quasi déjà disparus de moins de 10$ (les 183 qu'il y avait en 2009 ne représentaient pourtant déjà que 2% du répertoire!) et revenons à l'entrevue radiophonique du début.

Paul Houde:  Combien en avez-vous à moins de 10$?

Mme Merizzi:  À moins de 10$, on est en bas de 100, je ne vous le cache pas, on doit être autour d'une quarantaine présentement; il y a un trou dans notre gamme...

(Note:  Il en reste exactement 43; le chiffre estimé avancé est cette fois-ci exact)

Et que compte faire la Société des Alcools pour obturer ce "trou dans leur gamme de vins vendus moins de 10$"? Écoutez-bien:

Mme Merizzi:  On est confiant de pouvoir le remplir (le trou) puisqu'on va faire un appel d'offres tout prochainement pour avoir entre 5 à 10 nouveaux produits dès la fin de l'année, en bas de 10,95$

Je ne sais trop si vous êtes d'accord avec moi mais cela ne changera rien au trou (que dis-je, au gouffre!) que l'on retrouve dans cette gamme de prix en question. Pour combler l'écart entre les 43 produits qui restent et les 189 qu'il y a jadis eu, la SAQ propose comme solution miracle, d'en ajouter sur un an entre 5 et 10 produits,  et qui ne seront peut être même pas en bas de 10$ (10,95$). Si on avait vraiment voulu s'attaquer à ce problème, les nouveaux produits recherchés pour cette année auraient dû être:

1) beaucoup plus nombreux soit 25, 35, voire 50 (au moins)

2) et surtout, surtout, être en bas de 10$!!!  (puisque c'est dans la gamme des vins de moins de 10$ qu'il y a un trou).

Cela ressemble à un capitaine d'une caserne de pompiers qui pour combattre un énorme incendie qui fait rage dans la maison de gauche, au lieu de sonner l'alerte générale, décide de n'envoyer que quelques pompiers pour arroser la maison de droite! N'êtes-vous pas d'accord que le résultat final prévisible sera que la maison en flammes va se consumer entièrement? 


Comme le soulignait si bien Mario Dumont dans son billet de samedi dernier du Journal de Montréal, le gouvernement (et dans la même foulée ses sociétés d’État) donnent souvent l’impression lorsqu’ils expliquent  leurs décisions à la population, « de prendre leurs concitoyens pour des valises,  et de leur rire en pleine face ». Il propose une suggestion qui paraîtra aux élus et à leurs hauts fonctionnaires plutôt incroyable, voire subversive, celle de « cesser de prendre les gens pour des cons en leur disant simplement la vérité» dans ce billet qu’il a justement intitulé Et si on disait la vérité? 

Et si dire la vérité à propos des politiques qu’ils sont en train d’appliquer leur semblent impensables, cela ne voudrait-il pas dire que ces dites politiques ne sont pas ce que la population souhaite qu' ils fassent? De deux choses l’une : ou la SAQ nous affirme clairement qu’elle n’a pas le choix pour atteindre les objectifs financiers que lui impose le gouvernement d’éliminer progressivement tous les vins de moins de 15$ (ce que les chiffres démontrent qu'elle fait présentement en douce tout en prétendant le contraire) ou bien qu’elle cesse de le faire. Et je cite Mario Dumont une dernière fois : « Dire la vérité n’assure pas de faire l’unanimité, mais au moins, cela gagne le respect ». 

Je tiens à préciser que je n'adresse ici aucun reproche au personnel des relations publiques de la SAQ qui font le boulot pour lequel ils sont payés, c'est-à-dire le travail ingrat de transmettre les messages dictés par leur employeur afin que celui-ci puisse conserver intacte son image apparente de parfaite vertu face à la population. Ils ont même toute ma sympathie parce qu'on leur demande de défendre l'indéfendable à l'aide de comparaisons boiteuses et d'explications en flagrante contradiction avec ce que les citoyens peuvent constater facilement par eux-mêmes. Tough job comme dirait l'autre!


Ce sont ces relationnistes que l'on envoie au front et qui doivent s'exposer publiquement pour tenter d'expliquer des décisions et des stratégies souvent très discutables allant à l'encontre des intérêts des consommateurs de vins québécois, prises par des fonctionnaires haut placés que vous ne n'entendrez et surtout ne verrez jamais. Ces gestionnaires de l'ombre peuvent ainsi dormir sur leurs deux oreilles en toute impunité secondés par un gouvernement pour qui la fin justifie les moyens.

Toute la vérité, rien que la vérité? À vous de juger.


Suggestions de vins de la semaine

Pour ceux et celles qui désirent étancher leur soif de vérité, voici 2 bons vins (que je brûle en enfer si je mens!) que j'ai découvert pour vous:

Vin blanc 

Chardonnay, Réserve privée, L. A. Cetto, 2010, Mexique, 17,70$  (voir ici)



Vin rouge 

Brouilly "Voujon", Domaine Ruet, 2010, France, 19,90$   (voir ici)


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