Connu sous le surnom de Monsieur Bulles, puisque c'est avant tout un spécialiste des vins effervescents, Guénaël Revel a publié le 18 mars dernier sur son site internet (monsieurbulles.com), un résumé des avantages et des inconvénients du système monopoliste actuel en vigueur au Québec depuis 1921, au sujet de la commercialisation de l'alcool.
Je le trouve pour ma part, bien rédigé, assez complet, et plutôt objectif. Et vous?
Avantages/atouts ou inconvénients/embarras, les voici présentés pour les 3 principaux acteurs de la filière : le producteur, le consommateur et le monopole.
PRODUCTEUR:
Les avantages:
La garantie de paiement (des producteurs attendent 6 mois à un an avant d'être payés ou ne le seront jamais en envoyant leur vin dans certains pays)
L'analyse scientifique de son produit par un laboratoire reconnu internationalement (beaucoup de vignerons utilisent les résultats d'analyse pour percer d'autres marchés exigeants dans le monde).
La fiabilité du réseau de distribution.
La visibilité de son produit au sein des succursales.
L'équitabilité de la visibilité du produit par rapport à un autre, selon des normes claires et contrôlées.
La fierté d'être sur un marché de qualité reconnu dans le monde entier (référence de qualité).
Les embarras:
Le délai d'admissibilité de son vin.
Le coût élevé d'admissibilité.
La bureaucratie exigeante et lourde.
Les critères de sélections de produits contradictoires: popularité dans des guides étrangers ou des références impérialistes ou éloignées de la culture du Québec / nécessité d'investissements publicitaires contraignantes.
Les justifications de refus de produit plus opaques que transparentes, rarement pertinentes.
Les "règles du jeu" sont changées régulièrement en fonction du déroulement de l'économie mondiale.
CONSOMMATEUR:
Les avantages :
La garantie sanitaire (vérification scientifique de tous les produits).
Le remboursement des bouteilles défectueuses (unique au monde).
La plus grosse distribution d'un même produit dans plus de 150 succursales au Québec, soit sur une surface dite commerciale, inégalée dans le monde.
Le plus grand choix d'appellations de vins et d'alcools au monde (12 000 références).
La qualité du service en succursale (visibilité, orientation, distinction, personnel instruit)
La tarification identique et contrôlé d'un même produit dans toutes les succursales (c'est le principe d'un monopole).
L'achat en ligne (internet et téléphone intelligent).
L'information en succursale et en ligne sur la disponibilité des produits.
Le tarif des vins au-dessus de 30 $ globalement identique à celui du pays d'origine.
Le tarif des vins au-dessus de 100 $ généralement inférieur à celui du pays d'origine.
Les embarras:
Le tarif des vins en dessous de 20 $ globalement plus élevé de 15 % comparativement aux autres marchés d'Amérique du Nord.
Le tarif des vins en dessous de 20 $ globalement plus élevé de 30 % comparativement aux marchés de leur pays d'origine.
ÉTAT / MONOPOLE:
Les avantages:
Il offre un travail salarié et syndicalement protégé au citoyen du Québec.
Il redistribue une partie des profits du monopole à d'autres ministères à des fins de réinvestissement.
Il participe à des causes caritatives majeures.
Il est libre de changer "ses règles du jeu" à tout moment.
Il négocie, vérifie, corrige et embouteille lui-même un volume de vin conséquent et le distribue hors de ses succursales (entre 70 et 90 étiquettes différentes) dont les revenus représentent plus ou moins 1/3 de son chiffre d'affaire annuel. Un gros avantage pour l'état.
Les embarras :
L'opacité de l'information envers le citoyen au sujet du fonctionnement du système: on peut supposer qu'en dehors des employés de la SAQ (et encore...), 85 % de la population du Québec ne sait pas comment fonctionne la SAQ.
Le citoyen confond le rôle de la SAQ et les obligations de la Régie des Alcools, des courses et des jeux du Québec : c'est souvent "la faute de la SAQ" alors qu'il s'agit d'un problème lié à la RACJQ.
Il négocie, vérifie, corrige et embouteille lui-même un volume de vin conséquent et le distribue hors de ses succursales sur un marché privé, donc non monopolistique (entre 70 et 90 étiquettes différentes) dont les revenus représentent plus ou moins 1/3 de son chiffre d'affaire annuel. Un gros embarras pour l'état, car contradictoire à la notion de monopole.
Conclusion
Je ne défend, ni ne dénonce ici la SAQ. Malgré tout, ayant vécu dans un pays non monopolistique au niveau de la distribution des alcools, je dois affirmer - en pensant sincèrement être objectif - que le Québec est aujourd'hui le "pays" qui propose le marché des vins et d'alcools le plus attractif pour les raisons énoncées ci-dessus. Le système idéal n'existe pas, je pense toutefois que dans notre univers dit capitaliste, celui qui est instauré et qui évolue au Québec, est actuellement le meilleur. Toutefois, s'il désire le rester, il doit savoir évoluer avec son temps. Une réforme plutôt qu'une disparition du monopole devrait donc être envisagée...
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NDLR: Je suis plutôt d'accord avec le constat énoncé dans la dernière phrase. On me dit que la direction du monopole en serait consciente et aurait commencé ... à y réfléchir. C'est un début. La question est de savoir si cette nécessaire remise en question mènera vers les actions nécessaires qui en feront une société plus souple, moins opaque (pourquoi a-t-on si souvent l'impression que l'on nous cache quelque chose?), et qui mettra ses talents avant tout au service de ses clients, et non à celui du gouvernement ou des embouteilleurs locaux.
Le temps presse cependant car l'image publique de la SAQ a commencé à se détériorer. Il est très difficile de regagner la confiance des consommateurs, une fois qu'on l'a perdue. Si aucune réforme n'est amorcée, ou si elle échoue, le prochain remède (avant la privatisation), serait la démonopolisation (où une certaine concurrence serait permise à certains égards).
À suivre...