Dans cette rubrique, nous citons des personnes qui ont fait des déclarations publiques à propos de notre monopole étatique sur l'alcool. À vous de juger de la pertinence et de la crédibilité de leurs propos.
Organisme: Société des alcools du Québec
Fonction: relationniste
Date de la déclaration: vendredi 7 janvier 2015
Média: Le Devoir
C'est dans l'édition du 7 janvier 2015 du journal Le Devoir, sous la plume d'Isabelle Porter, que nous avons pu lire un article intitulé: La SAQ accusée de laisser tomber les brasseurs du Québec (voir ici).
Elle y rapporte les propos de M. Pierre-Karl Péladeau qui désire que le monopole d'état en fasse davantage pour favoriser la visibilité des bières des microbrasseries québécoises, un point de vue partagé par l’Association des microbrasseries du Québec (ABMQ).
En effet sur environ 90 bières proposées par la SAQ, seulement 7 sont du Québec. On ne peut pas affirmer ici que c'est parce que l'industrie de la bière n'est pas très présente dans notre province. En 2014, il y avait environ 120 microbrasseries offrant un éventail de plus de 3,350 produits, la plupart inconnus du grand public.
Passons rapidement....
... sur l'excuse avancée par le relationniste pour expliquer cet état de fait: ''De toute façon, ajoute-t-il, la SAQ est d’abord une destination vin"!!!
Comme l'a bien expliqué Marc-André Gagnon dans un billet publié sur son site vinquebec.com et intitulé Y a tu de la bière icitte?, il est évident qu'il est plus payant pour notre monopole de vendre du vin que de la bière (voir ici).
Si c'est le cas, pourquoi ne retire-t-on simplement pas du mandat de ce monopole la possibilité de vendre de la bière si cela ne les intéresse pas!
La citation que l'on examine
Voici les propos, toujours tirés de l'article du journal Le Devoir, sur lesquels je désire me pencher aujourd'hui dans le cadre de la demi-vérité du jour:
"À la SAQ on a la volonté d'en avoir plus mais ce sont les micro-brasseries qui nous boudent."
Suite à cet article, la Société des alcools du Québec a même senti le besoin d'émettre la journée même un communiqué pour rappeler aux "méchants journalistes" que le marché de la bière est libre et ouvert au Québec!
Mais ce communiqué fait part aussi ce qui pourrait bien être le cœur du problème. On y rappelle que:
les micros-brasseurs sont obligés choisir entre le réseau des épiceries/dépanneurs et celui de la SAQ pour distribuer leurs bières.
Obligés par qui? Par la SAQ bien entendu.
Il faut connaître la faramineuse marge de profit de 135% que se prend la SAQ sur les produits qu'elle vend pour comprendre cette obligation. Si la bière X est par exemple vendue par la SAQ, son prix sera disons de 3,75$ alors que chez l'épicier ou le dépanneur qui se contentent de marges beaucoup plus raisonnables, le prix de cette même bière sera d'environ entre 2,50$ et 2,75$.
C'est d'ailleurs pour cette raison que M. François Nolin le propriétaire de la microbrasserie Archibald de Québec a récemment décidé après un contrat de trois ans, de retirer sa bière L'Insoumise du réseau de la SAQ (voir ici). Le prix de détail de 3,75$ qui en résultait était trop élevé pour le marché et ne favorisait aucunement des volumes de ventes intéressants.
La SAQ ne désire pas que vous puissiez réaliser la différence du prix de vente du même produit dépendamment du mode de distribution (elle ou les épiciers); ça serait gênant pour la SAQ! Pour ce faire, ils imposent donc à leurs fournisseurs l'exclusivité des produits qu'ils leur vendent! Rien que ça. Vous savez maintenant pourquoi nos microbrasseries préfèrent utiliser un détaillant autre que la SAQ pour vendre leurs produits.
L'excuse par excellence
Nous avons souvent droit avec notre monopole à cette raison pour expliquer des situations embarrassantes que découvrent de plus en plus la population du Québec:
Ce n'est pas de notre faute!
On semble souffrir de la maladie de la stakose. Stakose du gouvernement qui nous demande un rendement élevé, stakose des taxes qui augmentent, stakose de l'inflation, stakose du taux de change avec l'euro, stakose des accords commerciaux internationaux, etc.
Impossible de rien changer?
M. Péladeau suggère à la journaliste que l'on pourrait prendre des marges de profit moins élevées sur les produits québécois (bières, vins) vendus à la SAQ. Au monopole, on invoque sans cesse l'impossibilité d'appliquer cette solution en invoquant que les accords commerciaux internationaux ne permettent pas cette pratique. Mais pourtant l'Ontario le fait!
On rappelle dans l'article du journal que le gouvernement de l'Ontario favorise ses vins locaux certifiés VQA. Comment? La LCBO les place près de l'entrée de ses succursales ET elle applique une marge de profit moindre sur les produits locaux que sur les produits importés.
Je vous rappelle que la LCBO est elle aussi un monopole et que l'Ontario se trouve (en principe) dans le même pays, le Canada. De là à penser que si la SAQ n'a jamais entrepris les démarches pour faire la même chose que la LCBO c'est que vendre des produits québécois ne l'intéresse absolument pas, il n'y a qu'un pas.
On peut donc le faire en Ontario mais pas ici avec la SAQ. Stakose, stakose, stakose...