Note: Ce billet a aussi été publié le 24 avril 2014 dans le Huffington Post Québec (voir ici).
Plusieurs personnes se demandent encore pourquoi les bons petits vins à prix presque raisonnables qu’ils avaient naguère l’habitude d’acheter à la SAQ ont été remplacés par d’autres produits moins excitants mais pourtant plus dispendieux. Suivez le guide.
Mais avant d’aller plus loin, je voudrais préciser que cet article ne reflète que l’opinion personnelle de son auteur et non nécessairement celle de la direction de ce média.
Rappelons qu'il a onze mois exactement je dévoilais ici même à la surprise générale que la grille d'évaluation que la Société des alcools du Québec s'était concoctée ne consacrait que 5 points sur 100 au critère spécifique de la qualité. Vous avez bien lu. 5 points.
Afin d'éviter des allers retours entre l'ancienne et la nouvelle grille d'évaluation, voici la grille telle qu’elle apparaissait dans mon billet de mai 2013.
Sans tambour ni trompette, la SAQ a par la suite modifié la grille qu'elle avait conçue pour sélectionner ses vins. Est-ce que le critère spécifique de la qualité a gagné du galon? Est-il enfin devenu prioritaire comme il se doit pour le monopole? Les bonnes questions sont importantes car comme le disait Einstein, elles permettent de trouver les bonnes réponses.
Il est utile de préciser ici que je m'attarderai seulement les critères utilisés pour sélectionner les produits courants, soit les quelques 1,000 vins que l'on retrouve dans la zone centrale de l'ensemble des succursales du monopole. Pourquoi? Parce que ces produits représentent près de 80% des ventes de vins de la SAQ. C'est là que la majorité des consommateurs dépensent leur budget vin.
Voici donc la nouvelle grille d'évaluation que la SAQ utilise depuis le 21 novembre 2013 pour sélectionner ses produits et que l'on peut retrouver ici sur son site internet.
J'ai entouré deux cases en rouge. On remarquera que le nombre de points attribués au budget promotionnel offert par l'agence qui représente un producteur qui désire proposer un vin dans la catégorie des vins courants (1ière ligne) est demeuré inchangé, soit 15 points.
Si vous me lisez régulièrement, vous savez déjà qu'il est illusoire de nos jours de voir un produit sélectionné par la SAQ pour sa catégorie des vins courants si on ne propose pas au monopole de lui verser annuellement un montant d'au moins 150,000$ et même 200,000$ en promotions diverses, favorisant ainsi les gros producteurs au dépend des plus petits.
Un peu plus vers la droite, la deuxième case entourée de rouge affiche le nombre de points attribués au critère spécifique de la qualité. On est ainsi passé de 5 points auparavant à 10 points maintenant. Bien mieux n'est-ce pas? Non, bien pire! Voici pourquoi.
Une évaluation maintenant en deux étapes
Le changement le plus important entre l'ancienne grille et la nouvelle n'est absolument pas l'augmentation des points dévolus à la qualité. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué mais il est clairement mentionné dans le haut de la nouvelle grille d'évaluation que les produits passent en tout premier lieu l’épreuve de la présélection (section verte), et ensuite l’étape de la sélection finale (section bleue). Ceci est loin d'être anodin car comme le dit le dicton, « le diable se cache dans les détails ».
Or, quel est le tout premier critère de l’étape de présélection? L'investissement promotionnel à la SAQ avec 15 points, bien entendu. Cela veut dire que l'on prendra la peine d'évaluer la qualité des vins que vous aurez le droit de boire quasi uniquement pour les produits qui auront reçu de nombreux points à la première étape, soit les produits les plus payants pour la SAQ.
C'est pourquoi que je dis que cette nouvelle grille est encore pire que la première. Le critère qualité ne signifie absolument plus rien ici. Car même si on décidait d’attribuer 50 points au critère de la qualité, celle-ci étant dorénavant évaluée lors de la deuxième étape, elle ne se fera donc qu’après l'épuration de plusieurs excellents produits mais non assortis d'un budget promotionnel. Plus que jamais auparavant la profitabilité prend le pas sur la qualité.
C'est pourquoi que je dis que cette nouvelle grille est encore pire que la première. Le critère qualité ne signifie absolument plus rien ici. Car même si on décidait d’attribuer 50 points au critère de la qualité, celle-ci étant dorénavant évaluée lors de la deuxième étape, elle ne se fera donc qu’après l'épuration de plusieurs excellents produits mais non assortis d'un budget promotionnel. Plus que jamais auparavant la profitabilité prend le pas sur la qualité.
Est-ce vraiment sérieux?
Selon moi, pas du tout. Comment évalueriez-vous la crédibilité d'un concours quelconque où les candidats se verraient attribuer une note sur la qualité de leur performance uniquement après que les juges eurent pris connaissance du montant d'argent que les personnes qu'ils évaluent sont prêtes à leur remettre? Ne trouveriez-vous pas que ce concours serait biaisé, injuste, vicié à la base?
C'est pourtant exactement de cette manière que le nouveau processus de sélection des vins au Québec fonctionne. Notre monopole a trouvé une façon d'augmenter le nombre de points qu'il attribue au critère de la qualité dans sa grille pour faire taire la galerie sans que cela ne l'empêche le moins du monde de choisir uniquement les vins qui font son affaire, c'est-à-dire sans que le critère qualité ne soit vraiment pris en compte. Il n’y a pas à dire, on n’arrête pas le progrès.
Vers où se dirige-t-on?
Dans mon billet de mai 2013, Pour la SAQ la qualité, c'est secondaire, j'écrivais ceci:
''Il est facile de prévoir que bientôt, après deux autres années de sélection de produits basée sur les critères mal pondérés de cette grille, la qualité générale des produits courants continuera de se détériorer alors que les prix eux iront vers le haut. Cela n'augure rien de bon pour les consommateurs de vins du Québec.''
Tout chroniqueur en vin indépendant, crédible et sérieux vous confirmera sensiblement la même chose. Mais je suis certain que déjà plusieurs d'entre vous aviez réalisé par vous-mêmes la vitesse à laquelle la variété et la qualité des vins courants proposés par la Société des alcools se dégradent rapidement. Il semble qu'il n'y ait que le prix de leurs vins qui ait réussi à trouver le chemin qui mène vers le haut.
Un argument de moins en moins pertinent
En résumé
Nous avons donc présentement droit au Québec à un véritable nivellement par le bas dans la gamme des vins courants. Des vins dont la qualité est en baisse constante car choisis avant tout en fonction du profit à court terme. Le plus bel exemple est que déjà près de 10% des vins courants au Québec sont des importés en vrac et non identifiés comme tel, comme je l’indiquais dans mon billet du 27 février dernier, Des vins de dépanneurs à la SAQ.
Cette catégorie de vins qui a les mêmes caractéristiques que les vins de dépanneurs est très payante pour la SAQ. Depuis un an, de plus en plus de produits de ce type se retrouvent incognito sur les tablettes des succursales. On peut consulter la liste en perpétuelle révision de ces vins en suivant ce lien:
http://bit.ly/1hh89Ha
Vers où se dirige-t-on?
Dans mon billet de mai 2013, Pour la SAQ la qualité, c'est secondaire, j'écrivais ceci:
''Il est facile de prévoir que bientôt, après deux autres années de sélection de produits basée sur les critères mal pondérés de cette grille, la qualité générale des produits courants continuera de se détériorer alors que les prix eux iront vers le haut. Cela n'augure rien de bon pour les consommateurs de vins du Québec.''
Tout chroniqueur en vin indépendant, crédible et sérieux vous confirmera sensiblement la même chose. Mais je suis certain que déjà plusieurs d'entre vous aviez réalisé par vous-mêmes la vitesse à laquelle la variété et la qualité des vins courants proposés par la Société des alcools se dégradent rapidement. Il semble qu'il n'y ait que le prix de leurs vins qui ait réussi à trouver le chemin qui mène vers le haut.
Un argument de moins en moins pertinent
Jusqu'à tout récemment, un argument de tout premier ordre que je me répétais à moi-même pour me convaincre que l'on ne devrait pas privatiser la SAQ était que l’on pouvait avec ce système monopolistique gouvernemental retrouver sur tout le territoire de la province la même excellente sélection de produits courants.
On retrouve en effet encore de nos jours la même sélection de produits courants que l’on soit à Gatineau, à Montréal ou à Sept-Îles. Mais celle-ci est cependant de moins en moins excellente et de plus en plus dispendieuse. L’égalité dans la médiocrité en quelque sorte. On voudrait s’auto-saborder que l’on n’agirait pas différemment.
On retrouve en effet encore de nos jours la même sélection de produits courants que l’on soit à Gatineau, à Montréal ou à Sept-Îles. Mais celle-ci est cependant de moins en moins excellente et de plus en plus dispendieuse. L’égalité dans la médiocrité en quelque sorte. On voudrait s’auto-saborder que l’on n’agirait pas différemment.
En résumé
Nous avons donc présentement droit au Québec à un véritable nivellement par le bas dans la gamme des vins courants. Des vins dont la qualité est en baisse constante car choisis avant tout en fonction du profit à court terme. Le plus bel exemple est que déjà près de 10% des vins courants au Québec sont des importés en vrac et non identifiés comme tel, comme je l’indiquais dans mon billet du 27 février dernier, Des vins de dépanneurs à la SAQ.
Cette catégorie de vins qui a les mêmes caractéristiques que les vins de dépanneurs est très payante pour la SAQ. Depuis un an, de plus en plus de produits de ce type se retrouvent incognito sur les tablettes des succursales. On peut consulter la liste en perpétuelle révision de ces vins en suivant ce lien:
http://bit.ly/1hh89Ha
Malheureusement, force est de constater que ce n'est pas avec à la nouvelle grille d'évaluation de la SAQ que les choses risquent de changer.
Suggestions de vins de la semaine :
Vins rouges
Shiraz/Mourvèdre/Viognier, Robertson winery, 2012, Afr. Du Sud, 13,00$ (jusqu’au 27 avril 2014)
Bonnes dégustations!
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