mercredi 18 décembre 2013

Exclusif : La vidéo ‘’Bye Bye 2013’’ de Julia Wine que l’on vous interdit de voir


Note: ce texte a été publié en exclusivité le 17 décembre 2013 dans le Huffington Post Québec (voir ici).

Les hautes instances gouvernementales ont décidé que vous ne pouvez pas regarder la vidéo que Julia Wine a conçue pour son site Internet pour annoncer que ses vins sont maintenant distribués dans tous les Couche-Tard du Québec. Car si elle le fait, on la menace avec rien de moins que la suspension de son permis. Bureaucratie ou censure?

Car saviez-vous qu'il existe un organisme québécois qui agit parfois de façon plus intolérante, voire dictatoriale que la Société des Alcools elle-même? Impossible, pensez-vous. Malheureusement si. Il s'agit d'un organisme moins connu du grand public, appelé la Régie des Alcools, des Courses et des Jeux (RACJ).

Cette petite vidéo humoristique bâtie sous le modèle de la populaire émission de fin d'année Bye Bye visait avant tout à remercier les acheteurs des vins Julia Cellier pour l'augmentation de ses ventes de plus de 35% pour l'année qui s'achève. Il faut croire cependant que la RACJ n'a pas du tout le sens de l'humour et que le rire n'est pas dans ses habitudes.

La RACJ, c'est quoi?

Tel qu'il est précisé dans le mandat de cet organisme qui a vu le jour en 1971 :
La Régie, qui relève du ministre de la Sécurité publique, a pour mandat d'encadrer et de surveiller les quatre secteurs d'activité que sont l'alcool, les courses de chevaux, les jeux et les sports professionnels de combat, et ce, dans le but d'assurer la sécurité, la tranquillité et l'intérêt publics.
En ce qui a trait à l'alcool, elle est responsable de l'émission et du contrôle des permis d'alcool pour tous les établissements licenciés privés (restaurants, bars) ainsi que pour les réunions et assemblées temporaires qui ont lieu dans des endroits publics et où l'on servira de l'alcool (évènements spéciaux, salons des vins, cours, etc.).

Parfait. On ne peut être contre la vertu. Encore que cela dépende de quelle manière on entend appliquer la loi que l'on donne à faire respecter, car qui dit pouvoir absolu dit aussi risque de dérapages.

Un exemple pas si lointain

J'ai déjà eu l'occasion de parler quelque peu de cet organisme archaïque dans l'une de mes chroniques publiées à l'automne 2012 (Permis d'alcool, permis d'abuser), suite à une décision unilatérale et inattendue prise par cet organisme à la veille de la tenue de nombreux salons de vins prévus partout en province, de modifier sans raison apparente la manière d'interpréter la loi. Ceci avait pour conséquence de faire exploser le nombre de permis requis pour tenir ces évènements et d'en augmenter substantiellement le coût, au point de les mettre en péril.

Même la toute puissante Société des Alcools, commanditaire principal de ces événements, avait été prise au dépourvu par cette volte-face. La SAQ avait pour une fois affaire avec un organisme tout aussi intransigeant qu'elle et qui se comportait comme un état dans l'état. Suite aux protestations du milieu, la RACJ dut faire volte-face et cette mesure insensée n'a heureusement jamais vu le jour.

Dans le présent cas

La RACJ s'occupe de plus d'autoriser toute publicité visant à promouvoir la vente d'alcool et de vin au Québec. Il existe des dispositions dans la loi qui établissent les paramètres pour ces publicités. Encore une fois, l'interprétation qu'en fait la RACJ est parfois loin d'être évidente.

Récemment, la compagnie Julia Wine a soumis pour approbation à la RACJ la vidéo qu'elle désirait mettre à la disposition des visiteurs de son site internet. Au lieu de recevoir l'approbation de la RACJ, Julia Wine a plutôt reçu des menaces de suspension de son permis d'embouteilleur, ce qui mettrait au chômage tous les employés de son usine juste avant la période de Noël.

La direction du Huffington Post Québec a pu mettre la main sur celle-ci et me l'a transmis pour examen. Puisque je crois qu'il serait utile pour la population de se faire elle-même une tête à ce sujet, je vous invite à rapidement la visionner.









On peut aimer ou non les vins de cette entreprise, être en accord ou pas avec certaines de ses approches marketing ou trouver la vidéo drôle ou non, là n'est pas la question. Tant qu'une compagnie respecte l'esprit de la loi qui s'applique dans son domaine et qu'elle ne choque pas les bonnes mœurs, je crois qu'elle a le droit de prendre des risques et d'investir son argent comme elle l'entend. Au bout du compte c'est le consommateur qui est le juge ultime et qui décide s'il achète ou pas. Normalement.

Mais pas ici. Car sans doute après une longue réflexion, la RACJ arrive à la conclusion que cette vidéo contrevient à l'article 3, alinéa 2 de son règlement sur la publicité des boissons alcooliques (D. 1529-91, a. 3.). Pour votre information, le voici :

3. Nul ne peut faire une publicité sur les boissons alcooliques dans laquelle:
  1. on utilise une personne mineure;
  2. on utilise ou fait allusion à un personnage fictif ou réel associé aux personnes mineures;
  3. on présente une personne qui consomme des boissons alcooliques de façon non responsable.
Vous avez bien lu. Dans l'infinie sagesse de son pouvoir absolu, La RACJ évalue que le Père Noël (dont on fait jouer le rôle par un homme de couleur!) ne peut faire partie de cette publicité parce qu'il est fictif et associé à des personnes mineures. J'aimerais pour ma part souligner que je rencontre régulièrement des adultes qui pensent sincèrement que l'on dépense intelligemment chaque dollar des taxes et des impôts qu'ils paient aux gouvernements (pour la RACJ entre autres), m'amenant à penser qu'il n'y a pas que des enfants qui croient encore au Père Noël!

Y a-t-il encore au Québec tant de fonctionnaires que ça qui n'ont rien à faire et qui cherchent de faux problèmes à régler? N'y en a-t-il pas suffisamment de réels sur lesquels ils pourraient un peu s'attarder?

Selon la RACJ, cette vidéo doit être interdite, car la présence du père Noël incitera les enfants à boire du vin. Désolé, cela ne tient pas la route. La preuve, on a déjà autorisé et à la télévision qui plus est, une publicité du même type pour promouvoir justement les vins d'épiceries.


Eh oui, c'était bel et bien Julie Snyder ... il y a quelques années évidemment! Selon plusieurs dictionnaires, voici la définition du mot «génie» comme dans «un génie dans une bouteille»:

Personnage imaginaire qu'on trouve dans les traditions populaires et les contes de fées.
Pour ma part, j'associe les contes de fées aux enfants. Et vous? Et puisqu'il s'agit d'un personnage fictif, celui-ci correspondrait à la définition de l'interdiction décrite au règlement mentionné ci-dessus de la RACJ. Alors pourquoi donc a-t-on autorisé il y a quelques années la pub télé du génie personnifié par madame Snyder et interdit-on la petite vidéo humoristique avec le père Noël? (de couleur, je le répète!).

Serait-ce parce que dans le premier cas la SAQ était impliquée (voir le bandeau SAQ Alimentation à la toute fin de la pub) et que dans le second cas, il s'agit d'une entreprise qui joue les trouble-fêtes, soit Julia Wine?

2013-12-17-Lutinetfes.png
Je n'en sais rien, je ne fais que poser la question. On peut aussi de demander s'il ne s'agirait pas d'un cas flagrant de deux poids, deux mesures? Ne manque-t-on pas de jugement lorsque l'on brandit la menace de suspendre illico le permis d'embouteilleur d'une entreprise qui emploie plus de 120 personnes si on vous permettait de regarder la vidéo en question?

Et que dire de l'emballage de la caisse de bière D'Achouffe de Belgique, autorisée par la RACJ où trônent lutin et fées? (personnages fictifs souvent associés à des mineurs)

2013-12-17-PreNoelbire.jpg
De l'étiquette de cette autre bière de Noël, la St-Nicholas, brassée par la brasserie Le Grimoire de Granby qui affiche clairement un Père Noël?

2013-12-17-Afficheles3brasseurs.png
Ou de l'affiche approuvée par la RACJ pour cette une bière brassée par les 3 brasseurs et dont le nom réfère clairement au père Noël, pourtant en principe soumis aux mêmes lois et règlements?

Avec cette interdiction qui frise l'abus de pouvoir, est-ce que ce n'est pas toute la population du Québec que la RACJ prend ainsi pour des enfants?













Ajout:

Les détails de cet article ont à date été repris par:

- Les Nouvelles TVA (voir ici)

- Le journal La Presse  (voir ici)

- Le journal de Montréal (voir ici)

- Chronique de Sophie Durocher (voir ici)

- Le Journal de Québec (voir ici)

- L'émission du retour de Radio X Québec (voir ici)

- Canal Argent (voir ici)

- Le site de Buzz Bonin  (voir ici)



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