lundi 17 septembre 2012

ET SI BACCHUS ÉTAIT UNE FEMME?


Les hommes négligent le nez qui est en dégustation, "l’équivalent des préliminaires pour le sexe" selon Elodie Cadiou caviste à Paris.


Le nom de la boutique détonne forcément. «Et si Bacchus était une femme», dans le milieu un tantinet macho du vin, sonne comme une provocation. La propriétaire des lieux, Élodie Cadiou, s’en amuse. Depuis qu’elle a ouvert sa cave au pied de la rue Mouffetard, voilà à peine trois mois, un client est déjà entré, furieux, pour lui demander: «Qu’est-ce qui vous a pris de choisir ce nom?» La sélection de vins, irréprochable, a calmé ses ardeurs. «Je ne suis pas particulièrement féministe, explique Élodie. Dans ma cave, les vignerons sont autant représentés que les vigneronnes.» Pour elle, le «vin féminin» est une «invention de bonhomme», et l’imaginer doux, sucré ou léger, est un amas de clichés.

En revanche, Elodie croit en une approche différente dans la manière de goûter et de parler. «Les femmes expriment leurs sensations tandis que les hommes veulent décrire une technique. Ils vont chercher le défaut et négliger le nez, qui est, en dégustation, l’équivalent des préliminaires pour le sexe…», dit-elle avec un sourire.

Rien ne destinait Elodie au métier de caviste. Mais en 2003, une dégustation à Châteauneuf-du-Pape fait office de révélation. Elle s’inscrit à l’université du vin de Suze-la-Rousse, dans la Drôme, et décroche la meilleure note de sa promo pour son mémoire sur «La Femme et le vin». Rentrée à Paris, elle prend en charge la carte et les achats des vins de l’Alcazar, le bistro alambiqué de Terence Conran rive Gauche.

Pendant ce temps, elle se lie d’amitié avec des vigneron(ne)s, développe son goût. Jusqu’à décider, en 2011, d’ouvrir sa propre cave, seule. La boutique est petite, mais coquette et conviviale. On lui demande si la parité est respectée parmi ses clients. Réponse positive. «Les femmes sont à l’aise ici, on discute, elles me posent des questions.» Et les hommes ? «Ils me disent que j’ai une belle sélection !»

Source:  Libération (par Elvire von Bardeleben)

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